Brice Clotaire Oligui Nguema, le général qui a renversé en août 2023 le régime Bongo après plus d’un demi-siècle de domination familiale, a été élu président de la République du Gabon avec un score écrasant de 90,35 % des voix. Cette victoire, survenue près de 19 mois après son coup d’État, entérine la transition vers un nouveau chapitre politique dans ce pays d’Afrique centrale, riche en ressources mais miné par des déséquilibres sociaux profonds.
Dès la prise de pouvoir, Oligui Nguema a été désigné « président de la transition » par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), qu’il dirige. Le CTRI a rapidement dissous les institutions de l’ancien régime, suspendu la Constitution et mis en place un gouvernement de transition composé de militaires et de civils, certains issus de l’opposition ou de la société civile. Cette démarche, bien que symbolique, avait pour objectif de rassurer les partenaires internationaux et d’ouvrir un dialogue avec les acteurs politiques locaux. La volonté affichée était de légitimer le processus et de marquer une rupture avec le passé autocratique du pays.
Durant cette période de transition, plusieurs mesures symboliques ont été mises en œuvre pour asseoir la volonté de changement. Des audits ont été lancés pour enquêter sur la gestion des fonds publics sous l’ancien régime, et plusieurs figures de l’ancien pouvoir ont été arrêtées pour des accusations de corruption. En parallèle, des consultations nationales ont été organisées pour rédiger une nouvelle Constitution. Celle-ci, adoptée par référendum en novembre 2024, a renforcé les pouvoirs présidentiels tout en promettant une gouvernance plus transparente et inclusive.
L’élection présidentielle d’août 2025, organisée dans un contexte marqué par une transition politique fragile, a été saluée par de nombreux observateurs pour son déroulement calme et ordonné. Contrairement aux élections passées, souvent entachées de violence et d’accusations de fraude, cette élection a vu une forte mobilisation populaire, avec un taux de participation élevé de 70,4 %. Le résultat a été sans appel : Oligui Nguema a récolté 90,35 % des voix, écartant son principal rival, Alain-Claude Bilie By Nze, ancien Premier ministre sous Ali Bongo, qui n’a obtenu que 3,02 %. Les autres candidats sont restés largement marginaux.
La campagne électorale, bien que courte, a permis à Oligui de renforcer son image de « candidat du peuple ». Toutefois, sa proximité avec certains membres de l’ancien régime, comme Raymond Ndong Sima, actuel Premier ministre de la transition, et Brice Laccruche Alihanga, un proche d’Ali Bongo, a suscité des interrogations sur la réelle volonté de rupture du général.
Si le président élu a, de son côté, insisté sur les réformes et les audits qui marquent sa volonté de mettre fin à la « mauvaise gouvernance », certains observateurs s’interrogent sur l’avenir du système Bongo. L’ouverture apparente du gouvernement, intégrant des membres de l’opposition et de la société civile, n’a pas suffi à éclipser les liens étroits entre le nouveau pouvoir et les anciennes élites. Pour beaucoup, cette transition pourrait n’être qu’un recyclage du système sous un nouveau visage, une thèse alimentée par les alliances stratégiques mises en place.
Le déroulement pacifique et transparent du scrutin présidentiel a été salué, notamment grâce à l’autorisation sans précédent donnée aux médias privés et étrangers de filmer le dépouillement. Bien que des irrégularités mineures aient été signalées, le processus a été jugé largement correct par la communauté internationale.
Alors que le pays reste confronté à d’importants défis économiques et sociaux malgré ses richesses pétrolières, la question du changement réel reste ouverte. Oligui Nguema devra démontrer sa capacité à transformer ses promesses de réforme en actes concrets. Pour cela, il devra faire face à une pauvreté persistante, un chômage élevé, une mauvaise gestion des ressources naturelles et une injustice sociale qui gangrène la société gabonaise.