Le spectre de l’arme nucléaire iranienne refait surface avec force. À la veille de nouvelles discussions diplomatiques entre l’Iran et les États-Unis, Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a déclaré dans un entretien que l’Iran n’était « pas loin » de pouvoir assembler la bombe atomique. Un avertissement lancé alors qu’il s’apprête à rencontrer les plus hauts responsables iraniens à Téhéran.
« C’est comme un puzzle : ils ont les pièces, et ils pourraient un jour les assembler », a déclaré Grossi. « Il leur reste du chemin, mais ils n’en sont pas loin. »
Cette visite intervient alors que les discussions indirectes entre Téhéran et Washington, relancées à Oman, doivent se poursuivre ce samedi à Rome. L’enjeu ? Sauver un accord moribond depuis le retrait unilatéral des États-Unis en 2018 sous Donald Trump, qui a rétabli de lourdes sanctions contre la République islamique. Depuis, l’Iran a progressivement intensifié son programme nucléaire, enrichissant désormais de l’uranium à 60 %, soit un seuil dangereusement proche des 90 % nécessaires à la fabrication d’une arme atomique.
Téhéran assure que son programme est purement civil, destiné à répondre à ses besoins énergétiques. Mais la méfiance occidentale demeure tenace. La communauté internationale exige des garanties et des contrôles stricts. Grossi, à la tête de l’AIEA, rappelle que « ce n’est pas parce qu’un pays affirme ne pas développer l’arme nucléaire qu’il faut le croire sur parole. Il faut pouvoir le vérifier. »
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a fermement déclaré que l’enrichissement d’uranium était une « ligne rouge non négociable ». Une position qui complique davantage les négociations. Côté américain, la ligne n’est pas plus souple. L’émissaire spécial de Donald Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a réclamé « l’arrêt immédiat du programme d’enrichissement et de militarisation nucléaires ». Une déclaration aussitôt dénoncée par Téhéran comme une « provocation incohérente ».
Cette rigidité de part et d’autre laisse planer le doute sur l’issue des pourparlers, d’autant plus que Washington agite toujours la menace d’une option militaire « en cas d’échec diplomatique ».
Dans ce climat explosif, l’Iran déploie sa propre diplomatie parallèle. Araghchi doit se rendre à Moscou dans les prochaines heures pour remettre à Vladimir Poutine un message du guide suprême Ali Khamenei. Objectif : mobiliser les soutiens traditionnels de Téhéran, notamment la Russie et la Chine, signataires de l’accord de Vienne de 2015 aux côtés de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
Cet accord, désormais vidé de sa substance, prévoyait un encadrement strict du programme nucléaire iranien en échange de la levée des sanctions. Depuis son effondrement, l’Iran a repris ses activités sensibles et accumulé des stocks significatifs de matière fissile, selon les derniers rapports de l’AIEA.
Pour Rafael Grossi, l’heure est grave. À la fois arbitre, médiateur et inspecteur, l’AIEA joue une partition diplomatique périlleuse. L’agence onusienne basée à Vienne tente de maintenir un fragile équilibre entre vérification scientifique et pressions géopolitiques. Son directeur général insiste : « Nous avons besoin de plus d’accès, de plus de transparence. »
Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a lui-même déclaré vouloir « conclure un accord avec les États-Unis ». Mais l’ayatollah Khamenei, véritable décideur stratégique, a exprimé un scepticisme profond : « Nous parlons, mais nous doutons de leurs intentions. »
L’Iran est aujourd’hui le seul pays au monde à ne pas posséder l’arme nucléaire tout en enrichissant de l’uranium à un tel niveau. Pour certains analystes, le pays est désormais à quelques mois — voire quelques semaines — de la capacité technique de construire une bombe. Et pendant que les grandes puissances hésitent, la montre nucléaire continue de tourner.
Un faux pas diplomatique, une déclaration mal calibrée ou une attaque ciblée pourrait suffire à allumer la mèche d’un nouveau conflit régional.