Istanbul, Turquie – Il était 12h49, heure locale, lorsque le sol d’Istanbul s’est mis à trembler. Pendant cinq longues secondes, la ville a été suspendue dans l’angoisse, ravivant des blessures collectives à peine cicatrisées. Ce mercredi, un séisme de magnitude 6,2, survenu au large de Silivri dans la mer de Marmara, a jeté les habitants dans la rue, en proie à une panique compréhensible.
Des répliques, oscillant entre 3,5 et 5,9, ont suivi la secousse initiale. Si les autorités ont rassuré sur l’absence de dégâts majeurs, plus de 150 personnes ont tout de même été blessées, certaines en sautant de leurs balcons ou fenêtres sous l’effet de la panique.
« Les murs de mon immeuble se sont fissurés, les verres ont trinqué. Je n’ai pas attendu, j’ai attrapé mon chat et j’ai couru », témoigne Zeynep Karatas, designer indépendante, désormais réfugiée au parc Macka à Nisantasi.
Dans cette mégalopole de plus de 15 millions d’habitants, le spectre du « Big One », un tremblement de terre tant redouté depuis des décennies, n’est jamais loin. Les souvenirs du séisme d’Izmit en 1999, qui fit plus de 17 000 morts, ou encore ceux du drame de février 2023 qui a ravagé le sud du pays, sont encore à vif.
« Tout le monde parlait de 2023 », se souvient Baran Demir, 62 ans. « Le souvenir est revenu comme une gifle. »
Certains quartiers, comme le chic Nisantasi, ont vu leurs habitants fuir les immeubles pour camper dans les parcs, à l’image de Macka Park. Des familles entières, parfois accompagnées d’animaux de compagnie, y ont trouvé un semblant de répit.
« Des inconnus aidaient les personnes âgées à descendre les escaliers. J’avais envie de pleurer », confie Zeynep.
Istanbul repose dangereusement à proximité de la faille nord-anatolienne, l’une des plus actives au monde. L’histoire géologique de la région est jalonnée de tremblements de terre destructeurs : 1509, 1766, 1894… à chaque fois, des milliers de morts.
Malgré les progrès des normes de construction depuis les années 2000, une large partie du parc immobilier d’Istanbul demeure vulnérable. La densité de la population, les constructions informelles et les quartiers anciens ajoutent à l’inquiétude des sismologues comme de la population.
Sur les trottoirs, dans les cafés, dans les parcs, les visages sont fermés. Certains ne dormiront pas cette nuit, d’autres ont déjà préparé un sac d’urgence à garder près de la porte.
« Je ne peux pas bouger rapidement si ça recommence », glisse Gokhan, un homme âgé, seul chez lui. Il esquisse un sourire : « Si c’est mon heure, c’est mon heure. »
Les autorités, par la voix de l’AFAD, appellent à la vigilance. Les répliques pourraient durer encore plusieurs jours. En attendant, Istanbul se terre dans l’incertitude, oscillant entre fatalisme, peur silencieuse et courage ordinaire.