À seulement quelques jours de l’élection présidentielle anticipée en Corée du Sud, prévue pour le 3 juin 2025, tous les regards se tournent vers Lee Jae-myung, leader du Parti démocrate (centre-gauche). Crédité de 49 % d’intentions de vote selon un sondage Gallup Korea publié ce mardi, il creuse l’écart avec son principal adversaire conservateur, Kim Moon-soo, qui plafonne à 35 %. La troisième force en lice, incarnée par le jeune réformateur Lee Jun-seok, séduit 11 % des électeurs, principalement parmi la jeunesse urbaine.
Ce scrutin s’inscrit dans une conjoncture exceptionnelle. La crise institutionnelle provoquée par la tentative de coup de force de l’ex-président Yoon Suk Yeol — qui avait cherché à imposer la loi martiale en décembre 2024 — a profondément ébranlé la démocratie sud-coréenne. Sa destitution, actée en avril après des semaines de manifestations et de débats parlementaires, a ouvert la voie à un débat national sur l’avenir du régime politique. Dans ce climat tendu, la présidentielle revêt une dimension de réparation démocratique.
Ancien gouverneur de Gyeonggi, Lee Jae-myung n’est pas un nouveau venu sur la scène politique. Battu de justesse en 2022 par Yoon, il revient avec un programme ambitieux, axé sur la redistribution des richesses, la modernisation du marché du travail et l’élargissement de l’État-providence. Parmi ses propositions phares figurent la réduction du temps de travail à quatre jours par semaine, une réforme du régime des retraites, ainsi que la mise en place d’un système de soins et d’éducation publics universels.
En face, Kim Moon-soo, figure bien connue du Parti du pouvoir du peuple (droite), tente de rassembler un électorat conservateur fragilisé par les divisions internes et l’héritage polémique de Yoon Suk Yeol. Son programme repose sur une approche économique libérale et une ligne dure à l’égard de la Corée du Nord, tout en se montrant plus réservé sur les questions sociales. Il mise sur son expérience gouvernementale, notamment comme ancien ministre du Travail, pour rassurer les classes moyennes et les entreprises.
Mais la droite peine à faire front uni. Lee Jun-seok, président du Parti de la réforme et ancien allié de Kim Moon-soo, a refusé tout ralliement, critiquant violemment la gestion autoritaire des conservateurs traditionnels. Sa candidature attire de nombreux jeunes électeurs lassés de la politique bipolaire et désireux de réformes structurelles.
Malgré des accusations de corruption encore pendantes, Lee Jae-myung semble conserver une longueur d’avance, bénéficiant d’un soutien constant chez les jeunes urbains, les classes populaires et les électeurs modérés. Son discours de réconciliation nationale, sa promesse d’ouverture envers Pyongyang, ainsi qu’une volonté affichée de repositionner la Corée du Sud entre ses deux principaux partenaires — les États-Unis et la Chine —, lui donnent une stature présidentielle aux yeux d’une large partie de l’opinion.
À quelques jours du vote, l’interdiction légale de publier de nouveaux sondages entre en vigueur. Si l’avance de Lee Jae-myung paraît solide, la volatilité de l’électorat sud-coréen et les incertitudes géopolitiques régionales appellent à la prudence. Le prochain président aura à reconstruire la confiance entre les institutions et les citoyens, dans un pays qui oscille entre aspiration au changement et crainte de l’instabilité.