Rio de Janeiro, 4 juillet 2025 – Le sommet annuel des BRICS s’ouvre ce dimanche à Rio de Janeiro dans une atmosphère inédite de prudence, de tensions géopolitiques et de désunion stratégique. L’absence de deux piliers du groupe, Xi Jinping et Vladimir Poutine, plane sur les discussions, alors que le monde est bouleversé par les politiques offensives de Donald Trump, notamment au Moyen-Orient et sur le plan commercial.
À la tête d’un groupe élargi à onze pays (dont le Brésil, la Chine, l’Inde, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Iran, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Indonésie), le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva devra composer avec les fractures internes de cette alliance hétérogène, dans une ville quadrillée par plus de 20 000 militaires, avions de chasse et surveillance aérienne renforcée.
Pour la première fois depuis la création du groupe, le président chinois Xi Jinping ne participera pas au sommet. Il sera représenté par son Premier ministre Li Qiang, tandis que Vladimir Poutine, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), n’assistera qu’en visioconférence. Le président iranien Massoud Pezeshkian, encore fragilisé par le récent conflit avec Israël et les États-Unis, est également absent, tout comme le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
Ces absences compromettent d’emblée la portée politique de cette rencontre, traditionnellement perçue comme un contrepoids au G7 et un instrument de rééquilibrage au profit du Sud global.
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump impose un rythme diplomatique brutal : bombardements sur les installations nucléaires iraniennes, droits de douane punitifs, et menaces ouvertes contre les pays qui chercheraient à s’affranchir du dollar. Dans ce contexte, les BRICS, malgré leur poids économique (40 % du PIB mondial), avancent avec une extrême prudence.
« Il sera très difficile de mentionner explicitement les États-Unis dans la déclaration finale », prévient Marta Fernandez, directrice du BRICS Policy Center à l’université catholique PUC de Rio.
La Chine, engagée dans des négociations commerciales avec Washington, évite toute escalade, tandis que des membres comme l’Inde, proches stratégiquement des États-Unis, refusent toute confrontation directe.
Le Brésil espère néanmoins sauver le sommet sur des sujets plus consensuels : lutte contre le changement climatique (en amont de la COP30 en novembre, également à Rio), intelligence artificielle, et réforme de la gouvernance mondiale. Des priorités que le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira, veut placer au centre des discussions :
« L’escalade au Moyen-Orient montre l’urgence de réformer le système multilatéral. Les BRICS ont toujours su parler d’une seule voix sur les grands enjeux internationaux. »
Mais avec une composition élargie, des intérêts divergents, et une pression croissante de Washington, la voix des BRICS paraît aujourd’hui plus fragile que jamais.
Rio n’avait pas vu une telle mobilisation sécuritaire depuis les Jeux olympiques de 2016. L’absence des dirigeants russe et chinois a certes allégé la menace immédiate, mais les services de renseignement brésiliens restent sur le qui-vive. Avions de chasse armés, fermeture temporaire de l’espace aérien, et militaires lourdement équipés protègent le Musée d’Art Moderne, où se déroulent les discussions.