Washington, 3 août 2025 — Le Sénat américain a approuvé samedi, dans un vote tendu (50 voix contre 45), la nomination de Jeanine Pirro au poste de procureure fédérale du district de Columbia. Une décision qui consacre un nouvel épisode de la mainmise de Donald Trump sur les institutions judiciaires américaines, au mépris des principes d’impartialité et d’indépendance.
À 74 ans, Jeanine Pirro n’est pas une inconnue : ancienne procureure de district à New York, elle s’est surtout illustrée comme figure médiatique radicale sur Fox News, où elle a porté pendant plus d’une décennie la parole trumpienne, mêlant attaques contre l’État profond, théories du complot électoral et croisades contre les démocrates.
Derrière cette nomination se cache une stratégie bien rôdée : remplacer la compétence par la loyauté. Trump, qui avait déjà installé Pirro à titre intérimaire en mai, entend verrouiller le district de Columbia — épicentre institutionnel américain — avec une fidèle parmi les fidèles. Ce poste, l’un des plus puissants du système judiciaire fédéral, sera désormais occupé par une militante médiatique ayant qualifié l’élection de 2020 de « vol organisé » et dont les positions frôlent régulièrement l’extrême droite conservatrice.
Le chef démocrate de la commission judiciaire, Dick Durbin, n’a pas mâché ses mots : « Cette nomination est une récompense politique, pas un choix de justice. C’est une gifle à l’indépendance du ministère public. »
Avec cette confirmation, Jeanine Pirro rejoint la cohorte de personnalités médiatiques promues à des postes de pouvoir sous le second mandat Trump. Après Pete Hegseth (Défense), Sean Duffy (Transports) ou encore Emile Bove, ex-avocat personnel de Trump, propulsé juge fédéral, la télévision conservatrice devient l’antichambre de l’État.
Trump l’a qualifiée de « femme primordiale », mais c’est surtout une icône de la polarisation nationale qu’il place désormais à la tête d’un parquet qui devra, entre autres, superviser des affaires sensibles liées à la corruption, aux violences politiques ou à la gestion des élections — des domaines dans lesquels Pirro s’est illustrée par son parti pris flagrant.
Le passé de Pirro pèse lourd : soutien inconditionnel à Trump, auteure de pamphlets ultra-partisans tels que Liars, Leakers, and Liberals, sa proximité idéologique avec le président américain ne fait aucun doute. Son ex-mari, Albert Pirro, condamné pour évasion fiscale, a été gracié par Trump lui-même. Un détail révélateur de l’interconnexion entre pouvoir politique, loyautés personnelles et justice manipulée.
Son installation rapide à Washington survient alors que le district de Columbia est au centre d’enquêtes critiques sur les émeutes du 6 janvier, les abus de pouvoir et les pressions électorales. C’est donc une procureure militante qui sera chargée de faire régner la loi dans un contexte de défiance sans précédent envers la neutralité de la justice.
Ce glissement vers une justice d’allégeance, où les magistrats ne sont plus gardiens du droit mais agents de parti, constitue une alarme démocratique. Derrière la façade légale de cette confirmation, c’est l’équilibre des pouvoirs qui vacille.
En nommant Jeanine Pirro, Trump n’institutionnalise pas seulement son influence : il envoie un message clair à ses opposants comme à ses alliés : la fidélité politique prime sur la compétence, et la justice peut être un outil de revanche.