L’évasion spectaculaire du général Abdelkader Haddad, alias Nasser El Djinn, ancien maître des arcanes du renseignement intérieur algérien, vers les côtes espagnoles d’Alicante, ne se limite pas à un affront direct au régime d’Alger. Elle met en lumière, de manière crue et implacable, l’incompétence abyssale des services de renseignement algériens. Selon les autorités espagnoles, Haddad est bien arrivé sur le sol espagnol, où il se trouve désormais sous la supervision des services locaux. Cette fuite, digne d’un thriller d’espionnage, révèle un système gangrené par la corruption, les rivalités internes et une incapacité chronique à sécuriser ses propres rangs. Comment un pays qui se prétend stable peut-il laisser disparaître un homme de l’envergure d’Haddad, détenant des secrets d’État aussi explosifs, s’évanouir dans la nature comme un vulgaire fugitif ?
Les services de renseignement algériens, autrefois redoutés pour leur omniprésence et leur efficacité, se sont ridiculisés dans une traque pathétique, barrages inefficaces, hélicoptères tournant dans le vide, perquisitions désordonnées… Alger a sombré dans un chaos digne des heures les plus sombres de la décennie noire. Haddad, expert en manipulation et en clandestinité, a exploité avec une aisance insultante les failles béantes d’un système censé le surveiller. Cette débâcle n’est pas un simple faux pas : elle illustre l’état de décomposition avancée d’une institution incapable de retenir un homme qu’elle avait elle-même hissé aux plus hautes sphères.
Le fait qu’Haddad ait pu se fondre parmi les harragas pour rejoindre l’Espagne à bord d’un bateau rapide constitue une gifle magistrale pour la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). Où étaient les agents censés le surveiller ? Où était la vigilance vantée par l’appareil sécuritaire ? Cette évasion n’est pas une prouesse individuelle isolée : elle dévoile un réseau de renseignement rongé par l’incompétence, les rivalités et une loyauté vacillante envers le régime.
L’affaire Haddad est le symptôme d’un mal profond qui ronge l’Algérie , un État fracturé, où les luttes de clans au sein de l’armée et des services secrets dictent le sort des hommes et des institutions. Depuis la mort d’Ahmed Gaïd Salah, le pouvoir est devenu un champ de bataille où généraux et officiers s’entredéchirent dans une guerre d’ego et de purges. Près de 200 officiers supérieurs, dont plus de soixante généraux, ont été emprisonnés sous le règne de Saïd Chengriha, chef d’état-major aussi autoritaire qu’instable. Haddad, pourtant proche d’Abdelmadjid Tebboune, n’a pas échappé à cette machine à broyer, révélant l’absurde précarité des alliances au sommet.
les services de renseignement algériens, loin d’être une force unifiée, sont un nid de vipères où règnent méfiance et trahison. Comment un régime incapable de contrôler ses généraux peut-il prétendre gouverner ? L’Espagne, refuge de gradés en disgrâce comme Khaled Nezzar ou Habib Chentouf, reflète cruellement les dysfonctionnements algériens. Mais là où Madrid offre un sanctuaire aux puissants, elle n’épargne pas les subalternes comme Mohamed Benhalima, condamné à mort pour avoir dénoncé la corruption. Cette hypocrisie internationale ne fait qu’accentuer le scandale.
Haddad n’est pas un fugitif ordinaire , il détient des secrets qui pourraient ébranler les fondations d’un régime déjà vacillant. Les exactions de la décennie noire, les disparitions d’opposants, les dossiers de corruption touchant la nomenklatura risquent de refaire surface devant la justice espagnole. Déjà visé par une plainte pour l’enlèvement de Hicham Aboud à Barcelone en 2024, Haddad pourrait devenir le catalyseur d’une tempête judiciaire. Les familles de disparus, prêtes à porter plainte pour crimes contre l’humanité, aggraveraient encore la crise.
Le régime de Tebboune, englué dans ses contradictions, se retrouve face à un dilemme insoluble : traquer Haddad au risque de voir ses secrets exposés, ou l’ignorer et admettre son impuissance. Dans les deux cas, l’Algérie sort humiliée, son appareil sécuritaire démasqué comme une coquille vide, incapable de protéger ses intérêts ou de museler ses dissidents.
Cette fuite spectaculaire, loin d’être un exploit isolé, illustre une nation fracturée sous le poids de ses propres mensonges. Alors que l’Espagne devient le théâtre des règlements de comptes algériens, le monde observe, stupéfait, un régime qui s’effondre sous le regard de ses généraux en exil. L’affaire Haddad n’est que le prélude d’une crise bien plus vaste, dont les répercussions pourraient ébranler l’Algérie pendant des années.