Lors de la 7ᵉ réunion des consultations au Format de Moscou sur l’Afghanistan, tenue le 7 octobre 2025 dans la capitale russe, plusieurs puissances régionales — Pakistan, Chine, Inde et Iran en tête — ont réaffirmé leur soutien à la construction d’un Afghanistan « indépendant, uni et pacifique ». Elles ont décidé de fermer le portail à double tour pour barrer la route à toute tentative américaine de reprendre la base aérienne de Bagram. Dans une déclaration conjointe, elles ont qualifié d’« inacceptables » les projets de déploiement militaire occidental, jugés contraires à la paix régionale.
La base de Bagram, abandonnée par les États-Unis en 2021 lors du retrait chaotique d’Afghanistan, est au cœur des tensions. Donald Trump, qui milite pour sa réoccupation, y voit un atout stratégique face à la Chine, affirmant que le site est « à une heure » d’un lieu clé de production d’armes nucléaires chinoises. Pourtant, même certains responsables américains doutent de la viabilité d’un tel projet, qui nécessiterait des milliers de soldats et des moyens logistiques colossaux.
Pour les puissances régionales, rouvrir Bagram sous contrôle américain reviendrait à raviver les tensions d’une occupation marquée par des abus — détentions arbitraires, tortures — et à compromettre leurs propres intérêts géopolitiques. La Chine protège ses routes commerciales et son Xinjiang, l’Iran sécurise ses frontières, tandis que la Russie cherche à consolider son rôle de leader régional. Même l’Inde, pourtant proche des États-Unis, s’aligne sur cette position pour préserver ses relations avec Kaboul.
Pour la première fois, les talibans étaient officiellement représentés à Moscou par leur ministre des Affaires étrangères, Amir Khan Muttaqi. Ce dernier se rendra à New Delhi du 9 au 16 octobre pour discuter commerce et coopération, illustrant la realpolitik indienne : pas d’amitié, mais des intérêts bien calculés. Les appels à une aide humanitaire « non politisée » et à la lutte contre le terrorisme masquent mal les priorités des États présents : sécuriser leurs frontières et leurs routes commerciales, tout en marginalisant l’influence occidentale.
Cependant, la « paix » célébrée à Moscou est avant tout stratégique. Elle ignore les souffrances des Afghanes, privées de leurs droits fondamentaux, et les aspirations d’un peuple à une véritable justice. L’Afghanistan reste un échiquier où chaque joueur avance ses pions. L’Inde, habituée à marcher sur deux sillons, a choisi de soutenir la position russe tout en continuant de négocier avec Kaboul.
Moscou veut rester le leader, garant de la sécurité régionale. La Chine observe son Xinjiang et ses routes commerciales : toute présence américaine est perçue comme une intrusion sur ses terres stratégiques. L’Iran cherche à éviter les problèmes à ses frontières, tandis que l’Inde veille à ce que le Pakistan ne prenne pas trop de terrain. Les talibans, eux, veulent simplement qu’on les laisse tranquilles. Sur un point, tous s’accordent : pas d’Américains à Bagram.
Bagram n’est pas qu’un simple bout de terrain. Pendant vingt ans, elle a été un foyer de tensions : détentions arbitraires, tortures, humiliations. La réoccupation américaine reviendrait à rouvrir une vieille blessure jamais cicatrisée.
Pendant ce temps, à Genève, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé de fouiller les vieux tas de fumier : crimes des talibans, traitement des femmes, violations massives des droits humains depuis 2021. Deux responsables talibans ont déjà des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale. L’ONU joue le rôle du juge isolé dans ce village où chacun sème son champ à sa manière.