Le deuil national au Kenya a basculé dans l’horreur le 16 octobre 2025. Ce qui aurait dû être un hommage solennel à Raila Odinga, ancien Premier ministre et leader historique de l’opposition, s’est transformé en bain de sang. Trois personnes ont été tuées par balles et de nombreux autres citoyens ont été blessés, alors que les forces de sécurité tentaient de disperser des milliers de Kenyans rassemblés pour rendre un dernier hommage à celui que beaucoup considéraient comme le père de la démocratie kenyane.
La violence a commencé dès l’arrivée du cercueil à l’aéroport international de Nairobi, où la foule a brièvement pris d’assaut les installations, interrompant la cérémonie officielle prévue pour accueillir Odinga avec les honneurs militaires. La marée humaine s’est ensuite dirigée vers les rues avoisinantes et le Parlement, avant de converger vers le stade de football, rempli à plus de 60 000 personnes. Là, face à une population en colère et en deuil, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles en l’air et déployé des gaz lacrymogènes, provoquant panique et bousculades.
Le vice-président Kithure Kindiki, président du comité de planification des funérailles, n’a fait aucune mention des morts ni du chaos lors de sa conférence de presse, laissant planer un silence gênant sur la répression meurtrière. Une fois la situation temporairement stabilisée, les dignitaires et représentants du gouvernement ont pu observer le cercueil avant que le public ne soit autorisé à le voir pendant quelques heures.
Parmi la foule, certains étaient présents dès l’aube, brandissant des branches et des feuilles de palmier, symboles du deuil au sein de la communauté Luo à laquelle appartenait Odinga. « Nous sommes tristes, nous sommes devenus orphelins. Il est notre père », confiait un proche à la BBC, tandis que d’autres suppliaient de voir « Baba » une dernière fois pour s’assurer de son identité dans le cercueil.
Après Nairobi, le corps sera transporté à Kisumu, bastion politique d’Odinga sur les rives du lac Victoria, avant d’être enterré dimanche dans sa ferme de Bondo, à environ 60 km à l’ouest. La famille a précisé que le souhait du défunt était un enterrement rapide, idéalement dans les 72 heures.
Raila Odinga a consacré plus de trente années à défendre la démocratie multipartite au Kenya et à négocier la paix lors de crises nationales. Cinq fois candidat à la présidence, il a dénoncé à plusieurs reprises des manipulations électorales. Sa mort laisse un vide politique immense, mais les violences qui ont entaché ses funérailles illustrent la fragilité des institutions kenyanes et la répression exercée par l’État sur un peuple venu pleurer son héros.
La période de deuil de sept jours décrétée par le président Ruto ne suffira pas à effacer la colère et l’indignation des citoyens. Ces funérailles, censées honorer Odinga, resteront dans l’histoire comme le symbole d’un État incapable de protéger ses citoyens et d’offrir un dernier hommage digne à l’un de ses plus grands leaders.