Rio de Janeiro, 29 octobre 2025 – Une opération policière massive baptisée Operação Contenção a tourné au carnage mardi dans les complexes de favelas de Penha et Alemão, au nord de Rio de Janeiro. Selon les autorités, au moins 119 personnes ont été tuées, dont 103 présumés membres du cartel Comando Vermelho (CV), quatre policiers et plusieurs civils. La Defensoria Pública de l’État de Rio porte cependant le bilan à 132 morts, tandis que des habitants ont aligné plus de 70 corps dans les rues mercredi matin, témoignant d’un chaos sans précédent. Cette intervention, qualifiée de « narcoterrorisme » par le gouverneur Cláudio Castro, est la plus létale jamais enregistrée dans l’histoire récente du Brésil.
Lancée à l’aube mardi, l’opération a mobilisé environ 2 500 agents des polices civile et militaire, soutenus par 32 véhicules blindés, des hélicoptères et des drones. L’objectif était de démanteler les réseaux du CV, le cartel dominant le trafic de drogue dans ces quartiers défavorisés abritant près de 300 000 habitants, à proximité de l’aéroport international de Rio. Au total, 83 arrestations ont été effectuées, et les forces de l’ordre ont saisi 111 fusils d’assaut, 38 grenades et 30 véhicules volés. Parmi les cibles prioritaires figuraient des leaders comme Edgar Alves de Andrade, alias « Doca » ou « Urso », et Thiago do Nascimento Mendes, « Belão do Quintungo », arrêtés pour meurtres et trafic.
Les affrontements ont duré toute la journée, transformant les ruelles étroites en champs de bataille. Les trafiquants ont dressé des barricades de bus incendiés, bloquant les axes principaux, tandis que des rafales retentissaient jusque dans les couloirs de l’hôpital Getúlio Vargas, où un flux ininterrompu de véhicules déposait cadavres et blessés — policiers, trafiquants présumés ou simples habitants.
Des dizaines de corps ont été alignés sur la place São Lucas, tandis que des familles pleuraient leurs proches enveloppés dans des draps blancs. Les murs criblés d’impacts et les images diffusées sur les réseaux sociaux ont provoqué une onde de choc nationale. « On vit un cauchemar », témoigne João, habitant du quartier. « Ils disent qu’ils viennent nous protéger, mais c’est nous qu’ils tuent. »
Le raid a contraint une quarantaine d’écoles à fermer et l’Université fédérale de Rio de Janeiro à suspendre ses cours. L’Assemblée législative de l’État a indiqué que plus de 200 000 habitants étaient affectés par la paralysie des services publics et des unités de santé.
Pour la première fois, les trafiquants ont utilisé des drones armés pour larguer des explosifs sur les forces de l’ordre. Le gouverneur Cláudio Castro, proche de l’ex-président Jair Bolsonaro, a dénoncé un « narcoterrorisme » inédit. « C’est ainsi que la police de Rio est reçue : avec des bombes larguées depuis le ciel », a-t-il écrit sur X, publiant une vidéo d’un drone explosif. Quatre policiers ont été tués dans ces affrontements que plusieurs témoins décrivent comme des “scènes de guerre urbaine”.
En représailles, le Comando Vermelho a imposé un couvre-feu dans plusieurs quartiers sous son contrôle, ordonnant la fermeture des commerces et bloquant les routes.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’est déclaré « horrifié » par l’ampleur de la violence et a exigé des enquêtes rapides, indépendantes et transparentes. À Brasilia, plusieurs ministres se sont réunis en urgence, annonçant l’envoi d’une délégation fédérale à Rio. Le ministre de la Justice Ricardo Lewandowski a reconnu ne pas avoir été consulté sur l’opération, soulignant des tensions institutionnelles entre le gouvernement fédéral et l’État de Rio.
Du côté de la société civile, Amnesty International, Human Rights Watch et près de 30 ONG brésiliennes ont dénoncé une « tragédie évitable », accusant le gouvernement Castro d’entretenir une « politique d’extermination ». « Les favelas sont traitées comme des territoires ennemis où règne le permis de tuer », a dénoncé le député de gauche Henrique Vieira. La Commission des droits de l’homme de l’Assemblée de Rio, présidée par Dani Monteiro, exige des explications sur une opération qui a « transformé les favelas en théâtre de guerre et de barbarie ».
Pour les habitants, cette « reprise du contrôle » ressemble à une guerre sans fin, où les civils restent les premières victimes. À Penha, un vieux résident résume, la voix brisée : « Ce n’est plus la police contre les trafiquants. C’est l’État contre son propre peuple. »


























