Le Bangladesh a basculé dans une nouvelle phase de turbulence politique et sociale après l’annonce, le 18 décembre 2025, de la mort de Sharif Osman Hadi. Âgé de 32 ans, ce leader étudiant devenu figure centrale du soulèvement de 2024 a succombé à ses blessures dans un hôpital de Singapour, six jours après avoir été victime d’une tentative d’assassinat à Dhaka. Son décès a agi comme un détonateur, déclenchant des émeutes d’une rare intensité dans plusieurs grandes villes du pays.
Le 12 décembre, Sharif Osman Hadi est atteint d’une balle à la tête par deux assaillants masqués circulant à moto, alors qu’il se déplaçait en rickshaw électrique dans le quartier central de Paltan, à Dhaka. La scène, filmée par des caméras de surveillance, choque l’opinion publique. Grièvement blessé, Hadi est évacué en urgence vers Singapour, où les médecins diagnostiquent des lésions irréversibles du tronc cérébral. Malgré plusieurs interventions, il décède le 18 décembre.
Pour ses partisans, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un assassinat politique ciblé, destiné à éliminer une voix devenue trop influente à l’approche des élections législatives prévues en février 2026.
DSharif Osman Hadi s’était imposé lors du soulèvement étudiant de juillet-août 2024, une révolte massive née de la contestation des quotas d’emplois publics et qui avait fini par provoquer la chute de la Première ministre Sheikh Hasina, après des semaines de répression sanglante ayant fait plus de 1 400 morts.
Porte-parole de la plateforme Inquilab Mancha (« Plateforme pour la révolution »), Hadi incarnait une nouvelle génération politique : radicale, nationaliste et profondément méfiante envers les élites traditionnelles. Candidat indépendant dans la circonscription de Dhaka-8, il menait une campagne offensive, dénonçant à la fois l’héritage autoritaire de la Ligue Awami et l’influence de l’Inde, accusée d’avoir soutenu Hasina et de lui offrir refuge à New Delhi.
Cette rhétorique, mêlant souverainisme et discours anti-indien, lui avait valu une popularité considérable chez les jeunes, mais aussi l’étiquette de leader radical, voire islamiste, dans une partie de la presse internationale.
L’annonce de sa mort a immédiatement déclenché des manifestations massives à Dhaka, Chittagong, Rajshahi et Sylhet. Des milliers d’étudiants et de militants ont bloqué les grands axes, notamment Shahbag et Manik Mia Avenue, exigeant justice, l’arrestation immédiate des assassins et la démission des ministres de l’Intérieur et de la Justice.
Très vite, la colère a dégénéré. Des médias perçus comme proches de l’ancien pouvoir ou jugés « complaisants » envers l’Inde, tels que Prothom Alo et The Daily Star, ont été pris pour cible. Leurs locaux ont été vandalisés, parfois incendiés, piégeant des journalistes pendant plusieurs heures. Des missions diplomatiques et des centres culturels liés à l’Inde ont également été attaqués.
Dans les rues comme sur les réseaux sociaux, un discours conspirationniste s’est imposé, accusant des forces « étrangères » d’être derrière l’assassinat de Hadi. Des rumeurs affirmant que les tueurs auraient fui vers l’Inde ont circulé, sans preuve, alimentant une colère déjà profonde contre New Delhi. L’Inde a fermement démenti toute implication.
Cette dimension régionale rend la crise particulièrement sensible, dans un pays où l’influence indienne reste un sujet hautement inflammable.
Face à l’embrasement, le gouvernement intérimaire dirigé par Muhammad Yunus a décrété une journée de deuil national le 20 décembre, déployé l’armée pour sécuriser les institutions clés et promis une enquête « transparente et rapide ». Les funérailles de Hadi, organisées avec les honneurs près de l’université de Dhaka, aux côtés du poète national Kazi Nazrul Islam, ont renforcé son statut de martyr aux yeux de ses partisans.
Mais à moins de deux mois des élections, la situation demeure extrêmement volatile. Dans un Bangladesh encore marqué par les traumatismes de la répression de 2024 et par une transition politique inachevée, la mort de Hadi s’impose comme un point de bascule : celui où l’élan révolutionnaire, faute de cadre et de consensus, risque de basculer dans un chaos durable



























