Le 4 septembre 2024, la visite du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi à Ankara marque un tournant décisif dans les relations entre la Turquie et l’Égypte, mettant fin à une période de tensions diplomatiques qui a duré une décennie. Ce voyage, la première visite présidentielle égyptienne en Turquie depuis 2012, symbolise un rapprochement significatif entre ces deux puissances régionales.
Les relations entre Ankara et Le Caire avaient été gravement détériorées après la destitution de Mohamed Morsi en 2013 par Abdel Fattah al-Sissi. Morsi, ancien président égyptien issu des Frères musulmans, bénéficiait du soutien d’Ankara, ce qui avait conduit Recep Tayyip Erdogan à qualifier Sissi de « tyran » et d' »assassin ». Cette rupture a été marquée par des divergences politiques et des tensions géopolitiques, les deux pays se trouvant sur des positions opposées dans plusieurs conflits régionaux.
Lors de cette rencontre historique, Erdogan et Sissi ont signé 17 accords bilatéraux, couvrant des domaines clés tels que l’énergie, la défense et les échanges commerciaux. Les deux dirigeants ont exprimé leur ambition de porter les échanges commerciaux bilatéraux à 15 milliards de dollars par an d’ici cinq ans, contre moins de 10 milliards actuellement. Les accords incluent également des projets de coopération en matière de gaz naturel, d’énergie nucléaire et la possibilité de fournir des drones turcs à l’Égypte, renforçant ainsi les liens militaires entre les deux pays.
Le réchauffement des relations est également facilité par des intérêts géopolitiques communs. Les deux pays partagent des préoccupations sur des dossiers régionaux majeurs, tels que la situation à Gaza et en Somalie. Erdogan et Sissi ont réaffirmé leur engagement pour un cessez-le-feu à Gaza et soutenu l’acheminement de l’aide humanitaire via le port égyptien d’Al-Arish. De plus, ils ont convenu de collaborer pour préserver l’unité et l’intégrité territoriale de la Somalie, en signant plusieurs accords de coopération militaire.
Les évolutions récentes montrent également une atténuation des divergences sur d’autres fronts géopolitiques. Le Caire a commencé à s’ouvrir au gouvernement d’Abdul-Hamid Dbeibeh en Libye, tandis qu’Ankara a établi des relations avec Khalifa Haftar. En Syrie, les deux pays montrent des signes de réconciliation, avec une volonté accrue de renforcer les liens entre Damas et Ankara, malgré les différences passées.
Le sommet entre Erdogan et Sissi reflète un changement majeur dans les priorités régionales des deux pays. La Turquie semble abandonner ses ambitions expansionnistes en faveur d’une coopération stratégique plus large, tandis que l’Égypte se concentre sur des partenariats régionaux et la résolution des conflits. Cette réconciliation pourrait avoir des implications significatives pour la stabilité régionale, en redéfinissant les dynamiques de pouvoir au Moyen-Orient et en Afrique.
Le rapprochement entre la Turquie et l’Égypte ouvre la voie à une coopération renforcée dans plusieurs domaines stratégiques, tout en offrant de nouvelles perspectives pour la gestion des conflits régionaux et des défis géopolitiques. Ce nouvel alignement pourrait également influencer les relations avec d’autres acteurs internationaux, notamment les États-Unis et l’Union européenne.