Alors que la Tunisie se prépare à ses élections présidentielles prévues pour le 6 octobre 2024, la situation politique du pays s’assombrit sous le poids d’une répression sévère contre l’opposition. Le président sortant, Kais Saied, cherche à obtenir un second mandat dans un contexte où les libertés démocratiques semblent gravement compromises.
Sur les 17 candidats qui avaient initialement annoncé leur intention de se présenter à la présidence, 14 ont été arrêtés ou exclus, réduisant ainsi de manière drastique la compétition. La Commission électorale indépendante (ISIE), dont l’indépendance est mise en doute, n’a approuvé que trois candidats : Saied lui-même, Zouhair Maghzaoui, ancien député, et Ayachi Zammel, un homme d’affaires à la tête d’un petit parti pro-business. Toutefois, Zammel a été placé en détention provisoire le 4 septembre pour des accusations de falsification de signatures, ce qui pourrait encore davantage entacher la légitimité du processus électoral.
Les récentes perquisitions et arrestations montrent une intensification de la répression politique. Le 31 août, le tribunal administratif tunisien avait réintégré trois candidats dont les candidatures avaient été rejetées par l’ISIE. Cependant, cette décision a été ignorée, ce qui soulève des questions sur la validité du processus électoral actuel.
Depuis sa prise de pouvoir en 2019, Kais Saied a progressivement consolidé son autorité, démantelant les institutions démocratiques et muselant la dissidence politique. La répression des médias indépendants et la diminution de l’indépendance judiciaire font désormais partie intégrante du paysage politique tunisien. Le limogeage des membres du gouvernement et l’assouplissement des voix critiques ont marqué les dernières années de son mandat.
Hamza Meddeb, chercheur au Carnegie Middle East Center, dénonce un recul alarmant par rapport aux acquis démocratiques des soulèvements arabes de 2011. La Tunisie, autrefois perçue comme un phare de la démocratie dans la région, semble aujourd’hui se diriger vers une restauration autocratique. Cette évolution est d’autant plus inquiétante que le taux de participation aux élections législatives de l’an dernier a atteint un niveau historiquement bas de seulement 11 %.
Kais Saied utilise également la question migratoire à des fins politiques. En réponse à une crise migratoire croissante, la Tunisie a signé un accord avec l’UE pour freiner les flux migratoires, entraînant une baisse significative des départs vers l’Italie. Saied a présenté les migrants comme une menace pour la société tunisienne, tout en se posant en défenseur national.
La répression ne se limite pas aux migrants eux-mêmes ; elle s’étend également aux ONG qui les soutiennent. Des organisations comme Mnemti, dirigée par Saaida Mesbah, ont été visées, avec des bureaux fermés, des comptes saisis, et des membres arrêtés sans charges formelles. Cette répression vise à étouffer toute forme de solidarité et d’assistance envers les migrants, exacerbant ainsi les tensions sociales et les violations des droits humains.
La situation en Tunisie représente un défi majeur pour les principes démocratiques. La répression contre les opposants politiques et les organisations de la société civile met en lumière les tensions entre les aspirations démocratiques de la Tunisie et la réalité autoritaire de son régime actuel. La campagne électorale, dominée par des mesures répressives, suscite des inquiétudes quant à la légitimité des élections et à l’avenir de la démocratie dans le pays.