Le 26 décembre 2024, les autorités irakiennes ont annoncé la découverte et l’exhumation des restes d’une centaine de femmes et d’enfants kurdes dans une fosse commune située à Tal Al-Shaikhia, dans la province de Muthanna, au sud de l’Irak. Cette fosse fait partie des nombreux charniers découverts au fil des années, témoignant des horreurs infligées par le régime de Saddam Hussein lors de la répression brutale des populations kurdes dans les années 1980. Ces fosses sont le résultat de l’« opération Anfal », une campagne génocidaire menée entre 1987 et 1988, qui a visé à éliminer les Kurdes, considérés comme des ennemis de l’État irakien. Le nombre total de victimes de cette campagne est estimé à environ 180 000 personnes, dont de nombreux civils, principalement des femmes, des enfants et des vieillards.
Les premières fouilles de cette fosse commune ont commencé à la mi-décembre 2024, après que le site ait été découvert en 2019. Les équipes spécialisées en exhumation ont mis au jour les corps de femmes et d’enfants, vêtus de vêtements traditionnels kurdes. Ces victimes auraient été originaires de la région de Kalar, située dans le nord de l’Irak, dans la province de Souleimaniyeh, une zone qui fait aujourd’hui partie de la région autonome du Kurdistan irakien. Selon Diaa Karim, le chef de l’autorité irakienne chargée de l’exhumation des fosses communes, les victimes étaient probablement exécutées de manière sommaire. Les corps retrouvés présentent des signes de blessures par balles, certaines personnes ayant été exécutées à bout portant. D’autres corps montrent des indices selon lesquels les victimes auraient pu être enterrées vivantes, un fait qui suggère la cruauté extrême du régime de Saddam Hussein.
Les conditions de l’exhumation sont particulièrement complexes. Les fouilleurs ont dû faire face à des corps en état de décomposition avancée, et certains restes ont été retrouvés dans des positions qui témoignent de la violence du massacre. Dans plusieurs cas, des mères ont été retrouvées tenant leurs enfants dans leurs bras, ce qui témoigne de la nature inhumaine des exécutions. Ces scènes poignantes rappellent la violence systématique à l’encontre de la population kurde, particulièrement les femmes et les enfants, qui ont été délibérément visés pour affaiblir toute résistance dans les communautés kurdes.
Les autorités irakiennes ont également signalé qu’une autre fosse commune a été découverte à proximité, près de la prison de Nugrat Al-Salman. Cette prison, tristement célèbre sous le régime de Saddam Hussein, servait de centre de détention pour les dissidents politiques, les Kurdes et les opposants au régime. De nombreux prisonniers ont disparu dans cette prison, où ils ont été soumis à des tortures et à des exécutions sommaires. Les fosses communes retrouvées à proximité de cet établissement montrent l’ampleur de la répression et des violations des droits de l’homme commises pendant cette période sombre de l’histoire de l’Irak.
Saddam Hussein, renversé en 2003 lors de l’invasion américaine, a été accusé de génocide pour les massacres perpétrés pendant l’« opération Anfal », mais il n’a jamais été jugé pour ces crimes avant son exécution en 2006. Le procès contre lui, qui s’est concentré sur d’autres crimes, n’a pas permis de faire toute la lumière sur les atrocités commises contre les Kurdes. La découverte de ces fosses communes met en évidence la nécessité de poursuivre les efforts pour rendre justice aux victimes et pour garantir que ces horreurs ne soient pas oubliées.
Les autorités irakiennes poursuivent les fouilles sur le site de Tal Al-Shaikhia et estiment que le nombre total de victimes retrouvées pourrait encore augmenter. Ce travail de mémoire est crucial pour honorer la mémoire des milliers de personnes disparues pendant cette période tragique et pour permettre aux familles des victimes d’avoir enfin des réponses sur le sort de leurs proches. Ces découvertes sont également un rappel poignant de la nécessité de lutter contre l’impunité et de prévenir de futures atrocités en Irak et dans le monde entier.