Huit ans jour pour jour après l’une des attaques les plus tragiques du conflit syrien, le ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad Al-Shaibani, s’est exprimé avec fermeté et émotion, promettant de traduire en justice les auteurs de l’attaque chimique de Khan Sheikhoun, perpétrée par le régime déchu de Bachar al-Assad le 4 avril 2017.
L’attaque, menée à l’aube sur cette petite localité de la province d’Idlib, avait provoqué une onde de choc mondiale. Des bombes contenant du gaz sarin avaient été larguées sur une zone résidentielle, tuant près de 100 civils, dont une majorité d’enfants. Des images insoutenables d’enfants suffoquant avaient fait le tour du monde, provoquant l’indignation de la communauté internationale.
Dans un message solennel publié sur le réseau X, Asaad Al-Shaibani a déclaré :« À l’occasion de l’anniversaire de l’attaque chimique sur Khan Sheikhoun, nous nous engageons solennellement à œuvrer pour que justice soit faite. Ce crime contre l’humanité ne peut rester impuni. Les responsables devront répondre de leurs actes, devant les tribunaux nationaux ou internationaux. »
Le chef de la diplomatie syrienne, nommé après la chute du régime Baas, a également souligné que la « nouvelle Syrie » en construction devait reposer sur des fondations solides : liberté, dignité, justice et mémoire.
Depuis la fuite de Bachar al-Assad en Russie, en décembre 2024, après près de 25 ans de pouvoir autoritaire, la Syrie a entamé une période de transition politique inédite, sous la direction d’Ahmed al-Sharaa, ancien chef des forces d’opposition. Déclaré président transitoire en janvier dernier, ce dernier s’est engagé à reconstruire le pays sur des bases démocratiques, en coopération avec les forces civiles et la diaspora syrienne.
Le gouvernement transitoire souhaite également ouvrir des enquêtes indépendantes, en collaboration avec des organisations internationales telles que l’ONU, la Cour pénale internationale et des ONG de défense des droits de l’homme, pour documenter les crimes de guerre commis durant la décennie de conflit.
À Khan Sheikhoun, la population locale, bien que toujours marquée par les séquelles psychologiques et matérielles de l’attaque, salue cet engagement du nouveau pouvoir. Plusieurs survivants ont participé à une cérémonie commémorative sobre mais chargée d’émotion. Des roses blanches ont été déposées à l’endroit même où des dizaines de corps avaient été retrouvés en 2017.
« Nous ne voulons ni vengeance, ni haine », témoigne Rana, une mère ayant perdu deux enfants dans l’attaque. « Mais nous avons besoin de vérité, de reconnaissance, et de justice. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons envisager la paix. »
Si plusieurs pays occidentaux, dont la France, l’Allemagne et le Canada, ont salué la promesse d’Al-Shaibani, d’autres observateurs restent prudents, rappelant les difficultés logistiques et politiques liées à la poursuite des anciens responsables du régime Assad, dont certains bénéficieraient de la protection de la Russie ou de l’Iran.
Mais pour une grande partie de la population syrienne, cette déclaration marque un tournant, un premier pas vers la reconnaissance des souffrances endurées et la possibilité de refermer les plaies d’un passé sanglant.