Le général Abdel Fattah Al-Burhan, président du Conseil de souveraineté du Soudan, a officiellement nommé ce lundi 19 mai Kamel El-Tayeb Idris Abdel Hafeez au poste de Premier ministre. Cette désignation intervient alors que le pays traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire moderne, miné par des conflits armés, une crise humanitaire aiguë et un effondrement économique généralisé.
Connu pour sa posture apolitique et son expérience diplomatique, Idris bénéficie d’un large consensus parmi les partis politiques et mouvements civils soudanais. Ancien directeur général de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), il s’était déjà illustré comme médiateur lors de précédents épisodes de tensions internes au Soudan. Candidat indépendant à la présidentielle de 2010 face à Omar el-Béchir, Idris a longtemps plaidé pour la réforme institutionnelle, la démocratie et la stabilité régionale.
En parallèle, trois nouveaux membres ont été nommés au Conseil de souveraineté : Salma Abdul-Jabbar Al-Moubarak, Nawara Abu Muhammad et Muhammad Tahir, dans ce qui semble être une tentative de redynamisation des institutions de transition.
La tâche du nouveau chef du gouvernement s’annonce titanesque. Depuis avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre interne dévastatrice, notamment dans l’ouest du pays, où les Forces de soutien rapide (RSF) conservent une forte emprise. Ce conflit a provoqué la mort de milliers de civils, la disparition de l’administration étatique dans plusieurs régions et une crise humanitaire sans précédent : plus de la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire sévère et des millions de Soudanais sont déplacés.
Sur le plan économique, les chiffres sont alarmants. Le PIB s’est contracté de 23,4 % en 2024, selon le Fonds monétaire international (FMI), tandis que l’inflation a explosé à plus de 176 %. Les recettes fiscales se sont effondrées, creusant davantage le déficit public. Malgré une légère perspective d’amélioration pour 2025, avec une croissance prévue de -0,4 %, la reprise reste tributaire de l’évolution du conflit et de la stabilité politique.
La priorité du nouveau Premier ministre sera double : stabiliser l’économie et restaurer un climat politique inclusif. Pour cela, la reprise du dialogue avec les bailleurs de fonds internationaux, la réactivation de l’aide humanitaire, et la levée progressive des sanctions économiques seront cruciales. Le gouvernement devra également reconstruire la confiance des investisseurs, renforcer les capacités de l’État et répondre aux aspirations démocratiques de la population.
La nomination d’Idris s’inscrit dans une dynamique de transition laborieuse. Il succède à Dafallah Al-Hajj Ali, diplomate nommé Premier ministre par intérim le 1er mai 2025. Reste à savoir si ce nouveau gouvernement sera en mesure de poser les bases d’une véritable sortie de crise, dans un pays profondément fracturé par des années de guerre, d’instabilité et de désespoir.