Dans un geste de propagande aussi glaçant que calculé, les Brigades Ezzedine al-Qassam, bras armé du Hamas, ont publié samedi 20 septembre une affiche compilant les portraits des 48 otages encore détenus dans la bande de Gaza. Chacun d’eux est étiqueté du nom de « Ron Arad », ce pilote israélien disparu en 1986, dont le sort tragique hante la mémoire collective d’Israël. Accompagné d’un texte menaçant – « En raison de l’obstination de Netanyahu et de la soumission de Zamir, voici une photo d’adieu au début de l’opération » –, ce montage vise à semer la terreur au moment même où l’armée israélienne intensifie son assaut sur Gaza-Ville, la plus grande agglomération du territoire palestinien.
Ron Arad, officier de l’armée de l’air israélienne capturé par des milices chiites au Liban lors d’une mission en 1986, incarne pour Israël un traumatisme national. Passé entre les mains de l’Amal puis du Hezbollah, il est présumé mort depuis des décennies, ses restes jamais restitués. En le nommant ainsi, le Hamas ne se contente pas de menacer : il invoque un fantôme pour évoquer une disparition irrémédiable. « Leur sort sera le même que celui de Ron Arad », assène le communiqué des Brigades, diffusé via Telegram. Les otages, dispersés selon le groupe dans les quartiers de Gaza-Ville, seraient en danger direct des bombardements et de l’invasion terrestre lancés par Israël le 16 septembre.
Sur les 251 personnes enlevées lors de l’attaque du 7 octobre 2023 – qui a fait environ 1 200 morts en Israël, majoritairement civils –, 48 restent captives, dont moins de la moitié seraient encore en vie selon les estimations israéliennes. Les États-Unis, via Donald Trump, évoquent même un chiffre plus bas, proche de 20 survivants. Parmi eux figure Bipin Joshi, un étudiant népalais enlevé à Alumim, dont la photo a suscité l’indignation à Katmandou. Des vidéos antérieures du Hamas, montrant des otages en détresse ou creusant leur propre tombe, avaient déjà été qualifiées de « guerre psychologique » par les familles et les alliés occidentaux.
Ce coup de théâtre intervient alors que des dizaines de milliers d’Israéliens ont défilé samedi à Tel-Aviv, Jérusalem et ailleurs pour exiger la libération des otages et un cessez-le-feu. « L’écriture est sur le mur », martèle le Forum des familles des otages, soulignant que les captifs sont détenus depuis plus de 700 jours. Des témoignages poignants émergent : Ofir Braslavski, père d’un otage de 715 jours, accuse l’opération militaire de « sacrifier les otages pour une guerre éternelle et de nouvelles colonies ». Veredia, manifestante à Jérusalem, confie son angoisse : « Les otages sont utilisés comme boucliers humains. Le Hamas veut nous tuer tous, mais il faut un accord d’abord. »
Une banderole géante, déployée à Jérusalem, interpelle directement Donald Trump : « Donald Trump, sois notre sauveur ». Un appel désespéré, alors que le président américain a récemment minimisé les risques pour les otages, affirmant que l’offensive pourrait même les « libérer ». Les familles fustigent Benjamin Netanyahou, accusé de privilégier la destruction du Hamas à la sécurité de leurs proches. Edan Alexander, un ex-otage israélo-américain libéré en mai après 584 jours, a annoncé son retour au service militaire, clamant : « Nous ne pouvons pas nous arrêter tant qu’ils ne sont pas tous rentrés. »
De l’autre côté, l’offensive israélienne, qualifiée de « force sans précédent » par l’armée, vise à « détruire l’infrastructure militaire du Hamas ». Vendredi et samedi, des frappes ont tué au moins 14 Palestiniens à Gaza-Ville, selon les autorités sanitaires locales, et forcé des centaines de milliers d’habitants à fuir. Depuis le 7 octobre 2023, plus de 65 000 Palestiniens ont péri, 90 % de la population a été déplacée, et une famine sévit, selon l’ONU. Le ministère de la Santé de Gaza, géré par le Hamas, rapporte 65 100 morts au total, un chiffre jugé fiable par les experts indépendants.
L’aide humanitaire agonise : vendredi, des hommes armés ont volé des camions de l’UNICEF chargés d’aliments thérapeutiques pour enfants malnutris, dans la ville de Gaza même. Israël accuse le Hamas de détournement pour financer ses opérations ; l’ONU dément un « détournement significatif » grâce à ses mécanismes de contrôle. Des ONG internationales appellent à un cessez-le-feu immédiat pour acheminer l’aide, avertissant que les évacuations forcées aggravent la catastrophe.
Au-delà du champ de bataille, la pression diplomatique s’accroît. À l’Assemblée générale de l’ONU la semaine prochaine, plusieurs pays occidentaux – Royaume-Uni, France, Canada, Australie, Malte, Belgique, Luxembourg – envisagent de reconnaître l’État palestinien. Le Portugal l’a annoncé pour dimanche. Face à Israël, la Commission européenne durcit le ton avec une « proposition choc » pour un gel des relations, bien que difficile à adopter. En France, Olivier Faure appelle à hisser le drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre.