La Cour suprême japonaise a récemment rendu un verdict historique en déclarant inconstitutionnelle une loi eugéniste datant des années 1940, responsable de stérilisations forcées massives au Japon. Cette loi, défendue pendant des décennies par l’État japonais comme étant légale, a été jugée indéfendable par le tribunal de Tokyo. De plus, la cour a vivement critiqué le délai de prescription de 20 ans imposé aux demandes d’indemnisation des victimes, le qualifiant d’abus de pouvoir inexcusable. Ce jugement intervient après une enquête approfondie de la Diète en 2023, qui a qualifié ce programme de stérilisation forcée de la pire violation des droits de l’homme de l’après-guerre au Japon.
En 1948, au lendemain des dévastations de la Seconde Guerre mondiale et face à une « explosion démographique », le Japon promulguait une loi dite eugénique. Portée par le parlementaire japonais Yasaburô Taniguchi, elle visait à « prévenir la naissance d’enfants présentant des défauts d’un point de vue eugénique tout en protégeant la vie et la santé de la mère » au nom de l’intérêt public.
Cette législation recommandait ainsi la stérilisation et les avortements pour les individus atteints de handicaps mentaux ou de maladies héréditaires, incluant les « schizophrènes », les « maniaco-dépressifs » et les « épileptiques ».
Le gouvernement japonais a admis que près de 16 500 personnes avaient été stérilisées en vertu de cette loi eugéniste en vigueur de 1948 à 1996. De plus, il a été révélé que 8 500 autres personnes avaient subi des stérilisations avec leur consentement, bien que sous pression selon leurs avocats.
Les statistiques montrent que 65 % des personnes stérilisées ne l’avaient pas consenti ou avaient été soumises à un consentement forcé. Cette loi autorisait même la castration et l’ablation de l’utérus chez de jeunes adolescents. Le rapport présenté au parlement japonais a mentionné deux victimes âgées de seulement neuf ans à l’époque.
La Cour suprême japonaise a non seulement invalidé cette loi, mais a également critiqué le gouvernement pour avoir invoqué un délai de prescription pour limiter les compensations, qualifiant cette pratique d’abus de pouvoir inexcusable. Cette décision marque un revers significatif pour un État longtemps réticent à reconnaître et à indemniser pleinement les victimes de ses politiques passées.
Malgré l’abrogation de la loi en 1996, les séquelles physiques et émotionnelles persistent parmi les survivants, qui ont souvent dû porter seuls le fardeau de leur traumatisme. Les promesses de compensations financières, bien que nécessaires, sont jugées insuffisantes par beaucoup pour réparer les années de souffrance et les vies détruites.
Ce verdict historique est une admonestation claire contre l’impunité des abus étatiques et une reconnaissance tardive mais cruciale de la nécessité de réconciliation et de réparation. Il soulève également des questions sur la responsabilité morale et légale des gouvernements dans la protection des droits fondamentaux de tous leurs citoyens, indépendamment de leur état de santé ou de leurs capacités.
Les récits poignants des victimes, comme celui de Nomura Hanako, témoignent de la tragédie humaine derrière ces politiques cruelles et soulignent l’urgence d’une vigilance constante pour prévenir de tels abus à l’avenir. Ce moment dans l’histoire japonaise rappelle la nécessité de tenir les gouvernements responsables de leurs actes, même lorsqu’ils se cachent derrière la justification de l’intérêt public.