Le Kazakhstan, premier producteur mondial d’uranium, a largement approuvé par référendum la construction de sa première centrale nucléaire, un projet colossal pour pallier un déficit chronique d’électricité. Avec 71,12% des voix en faveur de ce projet et une participation de 63,66%, le scrutin semblait joué d’avance, en l’absence d’observateurs internationaux comme ceux de l’OSCE. Cette consultation populaire, qui a eu lieu dans un contexte autoritaire marqué par l’arrestation de nombreux opposants, est perçue par le président Kassym-Jomart Tokaïev comme le « plus grand projet de l’histoire du Kazakhstan indépendant ».
Malgré les promesses du gouvernement de relâcher la pression sur la société civile depuis l’arrivée au pouvoir de Tokaïev en 2019, le Kazakhstan n’a pas renoncé à ses pratiques répressives. Les opposants à la construction de la centrale, inquiets des risques écologiques qu’elle pourrait engendrer, ont vu leurs manifestations réprimées. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été arrêtés, montrant que la contestation avait peu de place dans ce débat.
L’adhésion à ce projet est marquée par l’histoire douloureuse des essais nucléaires soviétiques dans le pays, qui ont laissé de profondes cicatrices, tant environnementales qu’humaines. Entre 1949 et 1989, près de 450 tests nucléaires ont exposé 1,5 million de Kazakhs aux radiations. Pourtant, la crise énergétique actuelle, notamment dans les régions du sud, pousse le gouvernement à envisager l’énergie nucléaire comme une solution inévitable pour soutenir son développement.
La construction de cette centrale, prévue à Ulken, au bord du lac Balkhach, attire l’intérêt de grandes puissances. EDF (France), ainsi que des entreprises russes, chinoises et sud-coréennes, sont en lice pour décrocher ce contrat stratégique. La décision finale ne sera pas qu’économique : elle reflétera également l’orientation géopolitique du Kazakhstan, tiraillé entre son histoire avec la Russie, sa proximité avec la Chine et son désir d’étendre ses partenariats à l’Occident.
Ainsi, ce référendum ne se limite pas à une question énergétique : il révèle les tensions internes d’un pays en mutation, les défis environnementaux non résolus et les stratégies d’alliance dans un monde de plus en plus multipolaire.