En pleine tourmente géopolitique au Moyen-Orient, alors que la République islamique d’Iran est au centre de toutes les crispations régionales, l’Algérie choisit de renforcer ses liens avec un régime affaibli, contesté et sous sanctions internationales. Une décision qui révèle moins une stratégie réfléchie qu’une fuite en avant diplomatique.
Accueilli avec faste par Ahmed Attaf puis par Abdelmadjid Tebboune, le ministre iranien des Affaires étrangères n’est pas venu en terrain neutre. Cette visite, présentée officiellement comme un jalon de « consolidation des relations bilatérales », s’inscrit en réalité dans une dynamique de défi idéologique envers l’ordre régional et occidental. L’Iran, accusé d’être le principal catalyseur des conflits indirects via ses relais armés — du Hezbollah au Liban, aux Houthis au Yémen, en passant par les factions radicales palestiniennes —, ne représente aujourd’hui ni un modèle de stabilité, ni un partenaire crédible sur la scène internationale. En s’en rapprochant, l’Algérie s’aligne de facto sur une posture radicale, perçue comme anachronique et dangereuse.
Loin d’incarner une vision d’équilibre ou de médiation, la diplomatie algérienne semble s’enfermer dans un réflexe anti-occidental systématique. Alors que nombre de pays arabes cherchent à apaiser les tensions et à repositionner leur influence dans un monde multipolaire, Alger multiplie les absences stratégiques : silence sur le conflit au Soudan, marginalisation dans les négociations africaines, bras de fer persistant avec le Maroc, et absence d’initiatives concrètes au Sahel. Résultat : une diplomatie déconnectée, marginalisée et incomprise, aussi bien en Afrique qu’au Moyen-Orient.
La signature de mémorandums dans l’énergie, le tourisme, la culture ou encore les technologies ne peut masquer le vide économique de cette relation. L’Iran, étranglé par des sanctions, est incapable d’apporter à l’Algérie ce dont elle a cruellement besoin : des investissements directs, un savoir-faire industriel, ou un débouché commercial stratégique. En retour, l’Algérie, engluée dans sa propre crise de gouvernance économique, n’a pas les moyens d’offrir un partenariat équilibré.
Cette coopération ressemble davantage à un geste symbolique, presque désespéré, qu’à une véritable alliance stratégique. Elle trahit surtout une profonde difficulté d’Alger à séduire les grands pôles économiques régionaux — que sont les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite ou encore la Turquie — pourtant bien plus à même d’offrir un soutien technologique et financier à long terme.
Instrumentalisée à chaque tournant diplomatique, la cause palestinienne est à nouveau brandie pour justifier le rapprochement avec l’Iran. Mais dans les faits, ni Alger ni Téhéran ne disposent de l’influence nécessaire pour peser sur le conflit israélo-palestinien. Cette posture rhétorique, bien qu’émotive, finit par apparaître comme un alibi commode pour dissimuler l’absence de ligne politique claire. Elle renvoie l’Algérie à une diplomatie du XXe siècle, nostalgique d’un non-alignement dépassé et incapable de proposer une alternative crédible.
Loin de représenter un acte souverain ou audacieux, le rapprochement avec l’Iran s’apparente à un aveu d’impuissance. L’Algérie, isolée, préfère s’arc-bouter sur une diplomatie de la provocation molle, incapable d’adapter son logiciel aux transformations du monde arabe et africain. Ce choix risque de lui coûter cher — en crédibilité, en partenariats et en influence régionale.