Alors que les États-Unis accentuent la pression sur le Liban pour un désarmement du Hezbollah, le chef du mouvement chiite pro-iranien, Naïm Qassem, a opposé une fin de non-recevoir catégorique à toute tentative de le priver de son arsenal militaire. Dans un discours diffusé vendredi par la chaîne Al-Manar, M. Qassem a déclaré : « Nous ne permettrons à personne de désarmer la résistance. Il faut supprimer cette idée du dictionnaire. »
Ces propos interviennent dans un contexte post-conflit particulièrement tendu. Le 27 novembre dernier, un cessez-le-feu fragile a mis fin à plus d’un an d’affrontements entre Israël et le Hezbollah — une confrontation qui s’est intensifiée après l’ouverture d’un front libanais en soutien au Hamas, à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023 sur le sol israélien. La guerre a coûté la vie à plus de 4 000 personnes au Liban, et a profondément affaibli l’appareil militaire du Hezbollah, dont la direction a été décimée, notamment par la mort de son leader historique Hassan Nasrallah, tué lors d’une frappe israélienne en septembre 2024.
Sous l’impulsion de Washington, allié indéfectible d’Israël, les pressions se multiplient sur le gouvernement libanais pour qu’il mette fin à la présence armée du Hezbollah, en application des résolutions onusiennes. Toutefois, le président Joseph Aoun a tenté de tempérer, affirmant que la question des armes devait être résolue dans un cadre « national, par le dialogue et sans pression étrangère ».
Une posture rejetée par Naïm Qassem : « Est-ce qu’on attend de nous qu’on parle de défense alors que les avions israéliens survolent nos têtes, que le sud reste occupé et que l’Amérique dicte sa volonté ? » a-t-il lancé dans un ton défiant. Selon lui, toute stratégie de défense ne pourra être envisagée que lorsque « l’occupation israélienne cessera » et que « l’État libanais commencera la reconstruction du Sud ».
Malgré la trêve, Israël maintient plusieurs positions dans le sud du Liban et continue de mener des frappes ciblées. Vendredi, l’armée israélienne a affirmé avoir éliminé deux membres du Hezbollah dans des raids, ce que les autorités sanitaires libanaises ont confirmé. Le Hezbollah, de son côté, accuse Israël de violer les termes de l’accord, notamment en poursuivant ses survols aériens et ses incursions.
D’après des sources proches du mouvement, le Hezbollah aurait déjà transféré environ 190 de ses 265 positions à l’armée libanaise, conformément à l’accord de cessez-le-feu qui prévoit le démantèlement de l’infrastructure militaire au sud du fleuve Litani. Toutefois, le cœur de son arsenal — missiles à longue portée, drones et réseaux souterrains — reste hors de portée des inspecteurs et suscite de vives inquiétudes dans les chancelleries occidentales.
Le Hezbollah justifie la conservation de ses armes au nom de la « résistance » face à Israël, se considérant comme une force de dissuasion et un acteur incontournable de la défense libanaise. Mais pour ses détracteurs, au Liban comme à l’étranger, il incarne une puissance parallèle, échappant au contrôle de l’État, et entretenant une dépendance stratégique avec Téhéran.
La montée en puissance de Naïm Qassem, dans un Liban meurtri et polarisé, ne fait que raviver les lignes de fracture entre partisans d’un État souverain et ceux qui voient dans le Hezbollah un rempart contre Israël. Dans ce contexte, toute tentative de désarmement, même diplomatique, semble vouée à l’impasse à court terme.
La crise actuelle révèle une impasse politique autant qu’un dilemme sécuritaire : comment construire une stratégie nationale de défense sans régler la question de l’arsenal du Hezbollah ? Et comment espérer la paix dans un pays où la souveraineté militaire reste partagée entre l’État et un acteur politico-militaire influent, appuyé par une puissance étrangère ?
Tant que ces questions resteront sans réponse, le Liban poursuivra son difficile équilibre sur le fil du rasoir.