Tripoli, 4 juin 2025 – Une onde de choc traverse les couloirs des Nations Unies après la découverte macabre de dizaines de corps dans plusieurs zones de Tripoli, en Libye, anciennement contrôlées par l’Appareil de soutien à la stabilisation (SSA), une milice puissante dont le chef, Abdel-Ghani al-Kikli, a été tué le mois dernier lors d’affrontements entre factions rivales.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré que son bureau était « profondément choqué » par les éléments révélant de graves violations des droits humains dans les sites de détention de la SSA. Des témoignages et rapports indiquent la présence d’instruments de torture, des signes d’exécutions extrajudiciaires et des corps calcinés abandonnés dans des zones jusqu’ici inaccessibles.
« Nos pires craintes se confirment : des dizaines de corps ont été découverts, accompagnés d’indices laissant craindre des actes de torture systématique », a affirmé Türk dans un communiqué alarmant, appelant à une réaction urgente de la communauté internationale.
Parmi les découvertes les plus marquantes : dix corps brûlés ont été retrouvés dans l’enceinte de la base de la SSA à Abou Salim. À cela s’ajoutent 67 cadavres conservés dans les morgues des hôpitaux d’Abou Salim et d’Al Khadra. Une fosse commune suspecte a également été identifiée dans l’enceinte du zoo de Tripoli, autrefois contrôlé par les forces de la SSA.
L’identité des victimes reste pour l’instant inconnue. Aucun registre fiable ni procédure judiciaire n’a pu être mis en place dans un contexte où règne l’impunité, aggravée par l’absence d’un appareil judiciaire fonctionnel et l’emprise persistante des milices sur la capitale libyenne.
Volker Türk a exhorté les autorités libyennes et la communauté internationale à agir sans délai : « Tous les sites concernés doivent être immédiatement sécurisés afin de préserver les preuves. Nous demandons un accès sans entrave aux enquêteurs internationaux et aux mécanismes de justice. »
Il s’agit, selon le Haut-Commissaire, d’un test décisif pour l’État libyen et pour les partenaires étrangers qui soutiennent le processus de transition : mettre fin à la culture de l’impunité qui a alimenté plus d’une décennie de chaos dans le pays.
La SSA, dirigée jusqu’à sa mort par Abdel-Ghani al-Kikli — surnommé « Ghnaywa » — était officiellement rattachée au Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNU) reconnu par l’ONU. Toutefois, cette affiliation masquait mal l’autonomie brutale avec laquelle la milice exerçait son pouvoir sur une large partie de Tripoli.
La mort de Kikli en mai a entraîné des combats d’une rare intensité dans la capitale. Plusieurs civils ont été tués, des dizaines blessés, des écoles fermées et un couvre-feu imposé. La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a rapidement appelé à une désescalade, en vain.
Cette tragédie pose une nouvelle fois la question de la fragmentation sécuritaire en Libye. Faute d’une armée unifiée, la capitale reste livrée à des groupes armés agissant souvent en dehors de tout contrôle institutionnel. Les autorités libyennes, fragiles et divisées, peinent à rétablir leur autorité sur le terrain.
L’ONU insiste sur l’urgence de relancer un processus politique crédible incluant une réforme sécuritaire, une démilitarisation progressive des centres urbains, et un mécanisme indépendant pour enquêter sur les crimes commis.
« Il ne peut y avoir de paix durable sans justice. Ce que nous avons vu à Tripoli ne doit pas rester impuni », a martelé Volker Türk.