Les Alpes centrales font face à l’un des épisodes météorologiques les plus violents de ces dernières décennies. Une tempête de neige hors norme s’est abattue cette semaine sur la région alpine, frappant simultanément la France, la Suisse et le nord de l’Italie. Le bilan humain est déjà lourd : au moins quatre morts sont à déplorer, des dizaines de blessés et de nombreux dégâts matériels.
Le drame le plus marquant s’est déroulé jeudi matin à Val Thorens, dans les Alpes françaises, où un touriste britannique de 27 ans a été emporté par une avalanche alors qu’il marchait en bordure de route. Le jeune homme a été précipité dans un ravin d’environ 15 mètres avant d’être retrouvé en arrêt cardio-respiratoire. Malgré les efforts des secours, il est décédé peu après son transfert à l’hôpital de Grenoble. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances précises de l’accident, mais les premières analyses confirment une instabilité exceptionnelle du manteau neigeux.
Dans les départements de Savoie et de Haute-Savoie, placés en alerte rouge neige et avalanches, les conditions météorologiques se sont brutalement dégradées depuis le début de la semaine. Des chutes de neige record, atteignant localement 110 centimètres à Tignes, s’accompagnent de pluies diluviennes qui provoquent inondations, glissements de terrain et coupures d’électricité. Plusieurs routes d’accès aux stations de ski sont désormais impraticables, piégeant touristes et habitants dans des villages isolés. Des opérations de secours héliportées ont dû être lancées pour ravitailler certains hameaux coupés du monde.
Les autorités françaises ont appelé les vacanciers, nombreux en cette période de vacances de printemps, à éviter toute sortie en montagne, y compris les promenades hors-piste. Certaines stations ont pris la décision inédite de fermer temporairement leurs pistes, malgré les enjeux économiques.
Côté suisse, les cantons alpins, notamment le Valais et les Grisons, sont confrontés à une situation similaire. Les équipes de déneigement travaillent sans relâche pour maintenir les voies de communication ouvertes. Des milliers de foyers sont encore privés d’électricité, et plusieurs établissements scolaires ont dû suspendre leurs activités.
En Italie, c’est la région de Vénétie qui est la plus touchée. Deux secouristes volontaires, un père et son fils, ont trouvé la mort après que leur véhicule a été submergé par la montée soudaine des eaux près de Vicence. Le pays, encore marqué par les inondations de 2023, redoute une nouvelle crise humanitaire dans les zones rurales.
Les services météorologiques européens s’accordent à dire que ces chutes de neige massives en plein mois d’avril sont un symptôme alarmant du dérèglement climatique. « Ces phénomènes extrêmes deviennent plus fréquents, plus intenses et surtout plus imprévisibles », avertit le climatologue suisse Reto Knutti. Alors que l’hiver météorologique s’était montré particulièrement doux, cette soudaine recrudescence de neige et de froid illustre la complexité croissante des modèles climatiques alpins.
Face à la crise, la mobilisation est massive : pompiers, gendarmes de haute montagne, services de voirie et bénévoles redoublent d’efforts pour venir en aide aux populations affectées. Des renforts venus d’autres régions ont été dépêchés dans les Alpes françaises et suisses. Néanmoins, les autorités redoutent de nouvelles coulées de neige ou des crues soudaines dans les prochains jours, alors que des températures en hausse pourraient fragiliser davantage les versants déjà saturés d’eau.
Ce nouvel épisode climatique tragique soulève de vives inquiétudes quant à la capacité des infrastructures alpines à faire face à ces phénomènes. Il interroge aussi les modèles de développement touristique en altitude, à l’heure où la montagne devient, plus que jamais, une région en première ligne face à l’urgence environnementale.