Le Royaume-Uni a prononcé, mardi 20 mai, une peine exemplaire de 25 ans de prison à l’encontre d’un passeur reconnu coupable d’avoir organisé l’une des plus vastes opérations clandestines de traversées migratoires en Méditerranée depuis le sol britannique. Ahmed Ebid, 42 ans, un demandeur d’asile égyptien installé à Londres, est accusé d’avoir orchestré le transport de près de 3 800 migrants, dont des femmes et des enfants, entre l’Afrique du Nord et l’Italie.
Installé dans le sud-ouest de la capitale britannique, Ahmed Ebid gérait depuis son domicile une véritable plateforme logistique de l’exil. Entre octobre 2022 et juin 2023, il a coordonné sept traversées maritimes depuis les côtes libyennes vers l’Italie, à bord de bateaux de pêche vétustes et surchargés. La National Crime Agency (NCA), l’agence britannique de lutte contre le crime organisé, a révélé que certaines de ces personnes avaient ensuite poursuivi leur périple jusqu’au Royaume-Uni.
Ce jugement marque une première : jamais auparavant une personne n’avait été condamnée au Royaume-Uni pour avoir planifié des traversées en Méditerranée. Cette condamnation fait suite à une longue enquête transnationale menée en coopération avec les autorités italiennes, qui a permis d’identifier le rôle central d’Ebid dans un réseau criminel bien structuré.
Selon les données présentées au tribunal, chaque migrant déboursait environ 3 200 livres sterling (soit 3 800 euros) pour tenter la traversée. Le total des revenus estimés de l’organisation dépasse les 12 millions de livres (14 millions d’euros). Publicités sur Facebook, achat de bateaux, coordination avec d’autres passeurs en Libye : Ebid était au cœur de cette entreprise humaine et commerciale à haut risque.
Mais au-delà des chiffres, ce sont les pratiques inhumaines qui ont le plus choqué le tribunal. Le juge Adam Hiddleston a souligné le cynisme absolu de l’accusé : lors d’une conversation interceptée, Ebid avertissait un complice de menacer les migrants d’être « jetés à la mer » s’ils étaient surpris en possession d’un téléphone portable – un risque pour la discrétion de l’opération.
Le Premier ministre Keir Starmer, dont le gouvernement a fait de la lutte contre l’immigration illégale une priorité, a salué cette décision de justice. Elle intervient dans un climat politique tendu, où le Royaume-Uni cherche à dissuader les traversées de migrants, notamment par la Manche, mais aussi en travaillant en amont sur les filières de traite humaine.
« Cette condamnation envoie un message clair à ceux qui pensent pouvoir exploiter la détresse humaine à des fins lucratives », a déclaré un porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Au moment du verdict, l’atmosphère au sein de la Southwark Crown Court était lourde. Ahmed Ebid a proféré des insultes depuis le box des accusés, tandis qu’une femme présente dans le public – dont le lien avec l’accusé n’a pas été précisé – fondait en larmes. Une scène qui illustre, une fois encore, les ramifications complexes de l’immigration irrégulière : entre détresse humaine, réseaux mafieux et réponses judiciaires de plus en plus fermes.