Tunis, 17 juillet 2025 – Alors que les violences dans les stades tunisiens continuent de ternir l’image du sport national, un groupe de députés a soumis un projet de loi controversé visant à durcir considérablement les sanctions contre les fauteurs de troubles lors des événements sportifs. Une initiative législative qui divise autant qu’elle inquiète.
Adoptée en première lecture par le Bureau de l’Assemblée des représentants du peuple, la proposition de loi 83/2025 est désormais entre les mains de la Commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports. Ce texte de 15 articles prévoit notamment des peines de prison allant de six mois à cinq ans pour toute personne impliquée dans des actes de violence aux abords ou à l’intérieur des stades. Le jet de projectiles ou l’usage de fumigènes entraînerait une amende minimale de 5 000 dinars, et l’interdiction de stade pourrait aller jusqu’à une vie entière en cas de récidive.
Des mesures exceptionnelles sont aussi prévues contre les clubs dont les supporters sont fréquemment impliqués : amendes à partir de 50 000 dinars, matches à huis clos, voire fermeture temporaire des enceintes sportives.
« Si on applique cette loi à la lettre, il faudra construire une prison à côté de chaque stade », ironise Nabil Hajji, député et secrétaire général du Courant Démocratique. Il critique une loi « sans vision, au vocabulaire flou et sans réponse aux racines du problème ».
Le texte soulève en effet un véritable débat de fond : cette réponse exclusivement répressive peut-elle suffire à endiguer un fléau ancré depuis plus d’une décennie dans le paysage sportif tunisien ? Les saisons perturbées par les huis clos, les affrontements dans les gradins, et les actes de vandalisme – y compris dans des sports comme le handball ou le basketball – ont montré les limites des politiques antérieures.
Derrière ces violences, beaucoup voient l’expression d’un mal-être profond chez une jeunesse désabusée, confrontée au chômage, à l’exclusion et à l’absence de perspectives. Les tribunes des « ultras », longtemps moteur de l’engagement citoyen et même précurseur de la contestation politique en 2010, ne peuvent être réduites à un simple phénomène de délinquance.
« Le stade reste un miroir de la société. Le vrai défi, c’est de reconstruire un dialogue entre institutions et jeunesse, pas seulement d’empiler les sanctions », estime un sociologue du sport contacté par nos soins.
Alors que le Parlement doit examiner le texte dans les prochaines semaines, les acteurs du sport tunisien appellent à une approche plus globale : combiner fermeté et éducation, prévention et justice, pour que les stades redeviennent ce qu’ils doivent être – des lieux de fête, de passion et d’unité populaire.