La police bangladaise a lancé une vaste chasse à l’homme après un épisode de violence d’une brutalité inédite qui a choqué le pays. Vendredi 6 septembre, dans le district de Rajbari, à l’ouest de Dacca, des militants islamistes ont exhumé puis brûlé publiquement le corps de Nurul Haque, un religieux soufi sunnite enterré quelques semaines plus tôt. Les images de la dépouille traînée dans la rue avant d’être incendiée ont provoqué un véritable choc, alimentant colère et indignation dans l’opinion publique.
Selon les autorités locales, près de 2000 individus armés de barres de fer, de marteaux et de gourdins ont envahi le tombeau du religieux après la prière du vendredi, à l’appel d’un groupuscule agissant sous la bannière du « comité Iman-Aqida Raksha ». L’assaut a dégénéré en affrontements violents avec la foule, faisant au moins un mort et une cinquantaine de blessés, dont plusieurs sont dans un état critique. La victime décédée a été identifiée comme l’un des gardiens de la sépulture.
« Les auteurs de ces violences sont en cours d’identification. Aucun d’entre eux ne sera épargné », a affirmé le chef de la police locale, Md Kamrul Islam. L’opération de traque se poursuit dans plusieurs districts voisins pour retrouver les meneurs.
Le gouvernement provisoire dirigé par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus a condamné un acte « inhumain et méprisable », promettant de défendre « l’État de droit » et de ne tolérer « aucune barbarie ». Mais cette attaque soulève déjà de vives inquiétudes sur la résurgence des mouvements islamistes au Bangladesh.
Longtemps réprimés par l’ex-Première ministre Sheikh Hasina, tombée du pouvoir en 2024, ces groupes radicaux profitent du climat d’instabilité pour réapparaître dans l’espace public. Le soufisme, courant mystique et spirituel de l’islam, est régulièrement la cible de leur hostilité, qualifié de pratique « déviante » par les rigoristes.
La classe politique et la société civile s’alarment. Le Parti national des citoyens (NCP), dominé par les étudiants qui avaient contribué à la chute de Hasina, a dénoncé « l’échec des autorités à garantir l’ordre public ». Pour les défenseurs des droits humains, cet événement illustre une faille sécuritaire majeure et la menace d’un retour en force du Jamaat-e-Islami, le principal parti islamiste du pays, récemment autorisé à participer aux élections prévues en février prochain après des années d’interdiction.
Au-delà de l’horreur des images, l’affaire Nurul Haque révèle la fragilité du Bangladesh, où la transition politique reste incertaine et où la montée en puissance des islamistes pourrait raviver un cycle de violences confessionnelles.