Les cours du pétrole brut amorcent une hausse modérée ce jeudi, dopés par une déclaration inattendue du président américain Donald Trump. Selon lui, le Premier ministre indien Narendra Modi lui aurait assuré que New Delhi cesserait bientôt ses importations de pétrole russe, qui représentent environ un tiers des approvisionnements énergétiques de l’Inde. Cette annonce, faite mercredi lors d’une interaction avec la presse à la Maison Blanche, a propulsé les prix du baril en début de séance, malgré un contexte global de surabondance offertant un frein à l’emballement.
Dans les échanges matinaux, les contrats à terme sur le Brent, référence européenne, ont grimpé de 57 cents (+0,9 %) pour atteindre 62,48 dollars le baril. De même, le West Texas Intermediate (WTI), marqueur américain, a progressé de 54 cents (+0,9 %) à 58,81 dollars. Ces niveaux, rapportés par des sources comme MoneyControl et Trading Economics, marquent une pause bienvenue après une chute de près de 8 % sur le mois d’octobre, imputable à des craintes sur la demande chinoise et une offre excédentaire persistante.
Trump, connu pour ses sorties imprévisibles sur les matières premières, a qualifié cette prétendue promesse de Modi de « grand pas » vers l’isolement économique de la Russie. « J’étais mécontent que l’Inde achète du pétrole, et il [Modi] m’a assuré aujourd’hui qu’ils n’achèteraient pas de pétrole à la Russie », a-t-il déclaré, évoquant un processus « un peu long » mais imminent. Le président américain a enchaîné en visant la Chine, principal acheteur russe devant l’Inde, pour étendre cette dynamique.
Cependant, cette affirmation a rapidement suscité des remous. Le ministère indien des Affaires extérieures (MEA) a réagi jeudi en affirmant n’avoir « aucune trace » d’un appel entre Modi et Trump la veille, contredisant frontalement la version américaine. Le porte-parole Randhir Jaiswal a insisté sur la priorité de New Delhi : « protéger les intérêts des consommateurs », via une diversification des sources d’énergie pour stabiliser les prix. L’Inde, qui a multiplié par dix ses achats russes depuis 2022 grâce à des rabais substantiels (malgré le plafonnement des prix G7), défend bec et ongles sa souveraineté énergétique.
Des analystes comme Arne Lohmann Rasmussen de Global Risk Management soulignent l’enjeu : l’Inde est le deuxième client de Moscou après Pékin. Un arrêt brutal des importations indiennes pourrait resserrer l’offre mondiale, pour une demande stable, et compliquer la tâche de la Russie à financer son effort de guerre en Ukraine. Pourtant, des posts sur X (ex-Twitter) reflètent le scepticisme : certains y voient une tactique trumpienne pour forcer la main, tandis que d’autres notent que les importations russes privées pourraient perdurer via des contournements.
Cette déclaration s’inscrit dans une escalade des pressions occidentales sur le secteur énergétique russe. La Grande-Bretagne a récemment sanctionné des producteurs russes, deux firmes énergétiques chinoises et le raffineur indien Nayara Energy pour usage de brut moscovite. Washington, de son côté, reproche à New Delhi des « profits excessifs » sur ces achats à prix cassés, freinant les négociations commerciales bilatérales. En août, Trump avait imposé des tariffs de 25 % sur les biens indiens, doublés depuis à 50 % en représailles, entraînant une chute de 12 % des exportations de l’Inde vers les États-Unis (de 66 à 58 milliards de dollars).
Malgré tout, le secrétaire indien au Commerce a ouvert la porte à des achats supplémentaires de 15 milliards de dollars de pétrole américain, signalant un possible pivot vers Washington pour apaiser les tensions. Parallèlement, les stocks US ont gonflé de 7,4 millions de barils la semaine dernière – une hausse potentiellement confirmée jeudi, la plus forte depuis juillet –, tempérant l’optimisme haussier.
Les prix du brut pourraient consolider autour de 60-62 dollars si l’Inde confirme un virage, mais les risques baissiers persistent. Les tensions commerciales sino-américaines, exacerbées par des propositions de taxes sur les minéraux critiques, pèsent sur la demande des deux géants consommateurs. JPMorgan anticipe un WTI dans les « basses à moyennes 60 dollars » d’ici fin 2025, tandis que l’OPEP+ maintient ses quotas pour équilibrer l’offre.
La sortie de Trump ravive l’espoir d’un resserrement géopolitique, mais sans aval indien, elle risque de n’être qu’un feu de paille. Les marchés guettent les prochaines heures pour trancher : haussier sur fond d’isolement russe, ou baissier face à une offre abondante ?