Le Parlement portugais a adopté vendredi, en première lecture, une proposition de loi controversée visant à interdire « l’occultation du visage dans les lieux publics ». Derrière cette formulation, c’est bien le port du voile intégral – burqa ou niqab – qui se trouve explicitement visé.
Le texte, déposé par le parti d’extrême droite Chega, désormais deuxième force politique du pays après les élections législatives de mai dernier, a été approuvé grâce au soutien de la coalition gouvernementale de droite modérée et d’un petit parti libéral. Au total, 60 députés de Chega ont voté pour, rejoints par une majorité du camp conservateur.
Le Premier ministre Luís Montenegro, tout en soutenant la mesure, a toutefois tenu à tempérer le débat :
« Le texte présenté peut et doit être perfectionné », a-t-il déclaré, appelant à un cadre juridique « équilibré » entre sécurité publique et libertés fondamentales.
Face à cette initiative, l’ensemble de la gauche, du Parti socialiste aux communistes, a voté contre, dénonçant une proposition « stigmatisante » et « inutile ».
Pour Chega, cette interdiction s’inscrit dans une logique de « protection des valeurs nationales » et de « cohésion sociale ». Ses détracteurs y voient au contraire une tentative de normaliser un discours identitaire, importé d’autres pays européens, au moment où le Portugal connaît une hausse notable de l’immigration.
Selon un rapport publié jeudi par l’Agence pour les migrations, l’intégration et l’asile (Aima), le pays comptait 1,5 million de résidents étrangers en 2024, soit deux fois plus qu’en 2021. Les Brésiliens demeurent la principale communauté étrangère, suivis des Indiens (près de 484 000 personnes).
Réagissant à cette décision, l’imam Abu Sayed, directeur du Centre islamique du Bangladesh à Lisbonne, a tenu à rappeler que le port du voile intégral demeure très marginal au Portugal :« Ce n’est pas la norme parmi les musulmans vivant ici. C’est une tradition pratiquée par certaines femmes, mais elle ne représente pas la majorité. »
Pour l’instant, le texte doit encore passer en commission parlementaire avant un vote final susceptible d’amender certaines dispositions jugées floues, notamment sur les sanctions prévues ou les exceptions religieuses et médicales.
Si elle est adoptée, la loi placerait le Portugal aux côtés de la France, de la Belgique, de l’Autriche et du Danemark, pays européens ayant déjà restreint le port du voile intégral dans l’espace public.