Paul Kagame s’apprête à entamer un quatrième mandat au Rwanda après une écrasante victoire à la présidentielle, avec plus de 99 % des suffrages. Si ses partisans le voient comme un dirigeant visionnaire qui a su sortir le pays de l’abîme après le génocide, le chef de l’État rwandais demeure une figure controversée sur la scène internationale
Au pouvoir depuis près d’un quart de siècle, Paul Kagame a remporté son nouveau plébiscite avec 99,15 % des voix, selon les résultats préliminaires de la Commission électorale. Un triomphe écrasant, bien que prévisible, face aux mêmes opposants qu’en 2017, où il avait obtenu 98,79 % des voix. Ce succès électoral consolide encore davantage son emprise sur le pays.
En juillet 1994, Kagame a renversé le gouvernement extrémiste hutu avec les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), mettant fin au génocide qui a coûté la vie à plus de 800 000 personnes. Depuis lors, il est perçu par beaucoup comme un sauveur, ayant relancé et modernisé le Rwanda de manière spectaculaire.
Le Rwanda a fait preuve d’une résilience économique impressionnante depuis le génocide. Au cours de la dernière décennie, le pays a enregistré une croissance annuelle moyenne de plus de 7 %, grâce au développement de l’agriculture et au tourisme haut de gamme. Des projets d’infrastructures majeurs, comme la BK Arena de Kigali et l’aéroport international de Bugesera, témoignent de cette dynamique. De plus, le Rwanda est considéré comme l’un des États les moins corrompus d’Afrique, attirant ainsi les investissements étrangers.
Cependant, malgré ces succès, près de la moitié de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. Les écarts de richesse entre les populations urbaines et rurales restent importants, et le quotidien de nombreux Rwandais demeure difficile malgré les progrès en matière d’éducation et de santé.
Sur le plan politique, Paul Kagame est critiqué pour sa gouvernance autoritaire. La réforme constitutionnelle de 2015, qui lui permet de rester au pouvoir jusqu’en 2034, et les restrictions des droits humains dénoncées par Amnesty International sont des exemples des dérives antidémocratiques sous son régime. Des opposants, comme Paul Rusesabagina, ont été arrêtés dans des conditions controversées, renforçant les accusations de répression politique.
Autre point noir de la présidence Kagame : les accusations d’ingérence dans le conflit en République démocratique du Congo (RDC). Le président congolais, Félix Tshisekedi, accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, une version corroborée par plusieurs pays, dont la France et les États-Unis. Bien que Kagame nie ces allégations, un rapport de l’ONU a récemment documenté la présence de milliers de soldats rwandais aux côtés des rebelles.
Le conflit en RDC menace de s’étendre, augmentant les tensions régionales. L’Angola mène actuellement une médiation pour organiser une rencontre entre Kagame et Tshisekedi, mais les perspectives de paix restent incertaines.
Paul Kagame, malgré ses succès économiques et sa popularité parmi une partie de la population, reste une figure clivante. Ses méthodes autoritaires et les accusations d’ingérence en RDC ternissent son image internationale. Alors qu’il entame un nouveau mandat, les défis qu’il doit affronter, tant sur le plan intérieur qu’extérieur, mettent en lumière les contradictions et les tensions d’un régime qui, malgré ses réussites, continue de diviser.