Ahmedabad, juillet 2025 — Moins d’une minute après son décollage, le vol 171 d’Air India s’écrasait dans un quartier densément peuplé d’Ahmedabad, tuant les 260 personnes à bord. Trois semaines plus tard, les premières conclusions de l’enquête soulèvent une question aussi dérangeante qu’inattendue : l’un des pilotes a-t-il volontairement coupé l’alimentation en carburant des moteurs ?
Selon le rapport préliminaire des autorités indiennes, élaboré avec le soutien de Boeing, General Electric, de l’Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) et d’enquêteurs britanniques et canadiens, les deux interrupteurs de commande de carburant du Boeing 787 Dreamliner se sont retrouvés en position OFF quelques secondes après le décollage — une manipulation normalement réservée à la phase d’atterrissage.
L’échange, à peine audible, ne permet pas d’identifier avec certitude l’auteur du geste. L’un des deux pilotes, alors que l’appareil venait d’atteindre 625 pieds d’altitude, aurait réactivé les commandes de carburant, déclenchant la tentative automatique de redémarrage des moteurs. L’un d’eux retrouvait partiellement sa poussée au moment de l’impact. Trop tard.
Les enquêteurs insistent sur un détail troublant : les interrupteurs de carburant du Dreamliner sont dotés de mécanismes de sécurité renforcés, protégés par des structures métalliques et nécessitant une traction volontaire pour être actionnés. L’hypothèse d’un geste accidentel est jugée « extrêmement improbable ».
« Il est quasiment impossible d’actionner les deux interrupteurs d’un seul mouvement de la main. Si cela a été fait, cela a été fait délibérément », explique un enquêteur canadien.
À cela s’ajoute une anomalie signalée dans un bulletin de la FAA dès 2018 : sur certains appareils, le système de verrouillage des interrupteurs aurait pu être désactivé à l’insu des équipages. Bien que cette recommandation n’ait pas été contraignante, Air India n’a jamais procédé à l’inspection.
Pour Sean Pruchnitsky, expert en sécurité aérienne à l’Université de l’Ohio, la grande question reste l’intention :« Était-ce un acte volontaire ? Une erreur humaine ? Ou une défaillance du système électronique ? »
Les enquêteurs réclament l’installation de caméras dans les cockpits, comme le recommande depuis des années le NTSB. Cela permettrait de voir qui manipule les instruments, en complément de l’audio.
« À ce jour, nous ne savons toujours pas quel pilote a actionné l’interrupteur, ni pourquoi », admet Peter Goelz, ancien directeur du NTSB.
L’analyse du carburant a écarté toute contamination. Aucun signalement de panne mécanique ni défaut connu n’a été identifié sur les moteurs GE GEnx-1B du Boeing 787-8. Le rapport confirme toutefois l’activation de la turbine d’air dynamique (RAT), un dispositif d’urgence qui se déploie automatiquement en cas de perte totale de puissance.