Le Salvador est de nouveau secoué par une arrestation controversée. Samedi 7 juin, le parquet général a diffusé une photo de l’avocat constitutionnaliste Enrique Anaya, menotté et encadré par deux policiers. Connu pour ses critiques virulentes du président Nayib Bukele, il est accusé de « blanchiment d’argent et d’actifs » et sera présenté devant la justice dans les jours à venir.
Cette arrestation a provoqué un tollé parmi les organisations de défense des droits humains, qui y voient une nouvelle attaque contre la liberté d’expression et l’État de droit dans un pays dirigé par un président de plus en plus autoritaire.
Chroniqueur, analyste, et avocat reconnu, Enrique Anaya s’est distingué par ses dénonciations répétées du gouvernement Bukele, notamment en ce qui concerne la dérive sécuritaire du régime et la réélection controversée du président en 2024, jugée anticonstitutionnelle par de nombreux experts. Mardi dernier, dans une émission télévisée, il déclarait :
« Ici, celui qui parle, celui qui critique, celui qui ne s’agenouille pas devant l’idole, va en prison. Évidemment que j’ai peur. »
Une peur qui s’est concrétisée quelques jours plus tard, lorsqu’il a été arrêté de manière musclée. Sur des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, on entend l’avocat accuser les agents de l’avoir « mis en joue ».
L’ONG Cristosal, pour laquelle Anaya avait dénoncé récemment l’arrestation de sa collègue Ruth Lopez (également avocate et défenseure des droits humains), a condamné cette « escalade alarmante de la criminalisation de ceux qui défendent l’État de droit ».
L’Institut des droits humains de l’Université centraméricaine a, pour sa part, rappelé que :
« La liberté d’expression est fondamentale pour une société juste et participative. »
Cette arrestation survient alors qu’une loi controversée contre les “agents de l’étranger” est entrée en vigueur. Elle oblige les ONG à s’enregistrer auprès des autorités et les impose à un impôt de 30 %, un dispositif similaire à celui utilisé par des régimes autoritaires comme la Russie pour réprimer leurs opposants.
Le président Bukele, qui se définit lui-même comme un « dictateur cool », conserve une forte popularité grâce à sa guerre déclarée contre les gangs. Le régime d’exception instauré en mars 2022 a permis de réduire drastiquement les homicides, mais a également entraîné l’arrestation de milliers d’innocents, selon les ONG.
Bukele a aussi renforcé ses relations avec les États-Unis de Donald Trump. Mi-avril, il a été reçu chaleureusement par l’ex-président à la Maison-Blanche et a accepté de détenir des migrants expulsés des États-Unis dans des centres de haute sécurité salvadoriens. Ruth Lopez, avant son arrestation, soutenait les familles de 252 Vénézuéliens incarcérés dans ces conditions.