L’effondrement du réseau d’influence iranien au Moyen-Orient, fragilisé par des frappes israéliennes et des bouleversements régionaux, expose l’Algérie à une réalité brutale : son alignement sur Téhéran, pilier de sa stratégie anti-occidentale, vacille. Alors que le Hezbollah, le régime syrien et les Houthis s’effritent, Alger se retrouve orpheline d’une vision géopolitique cohérente, tiraillée entre nostalgie révolutionnaire et quête de légitimité interne. Dans un monde arabe en mutation, l’Algérie doit-elle persister dans son rôle de dernier bastion d’un axe en déclin, ou repenser sa place pour éviter l’isolement ?
Les frappes israéliennes de juin 2025 contre des sites nucléaires et militaires iraniens ont marqué un tournant. La mort de figures clés des Gardiens de la Révolution, comme Mohammad Bagheri et Hossein Salami, a désorganisé la hiérarchie militaire de Téhéran. Le Hezbollah, affaibli par la perte de son leadership et de ses capacités opérationnelles, peine à maintenir son rôle au Liban. La chute de Bachar al-Assad, allié stratégique de l’Iran et de l’Algérie, a brisé le « croissant chiite », laissant la Syrie dans un vide politique. Au Yémen, les Houthis, encerclés et incapables de menacer Riyad, perdent leur poids régional. Ces revers successifs ont ébranlé l’Iran, forçant Téhéran à quémander un cessez-le-feu via des médiateurs arabes, un aveu de faiblesse.
Ce déclin expose l’Algérie, dont la politique étrangère s’appuie depuis 1979 sur une convergence avec l’Iran. Les deux pays partagent une méfiance envers l’Occident et ses alliés, incarnée par leur soutien commun à des causes comme la Syrie ou le Front Polisario. Mais alors que l’Iran s’enlise, Alger se retrouve sans boussole stratégique, incapable de capitaliser sur les mutations régionales.
Le Moyen-Orient évolue vers le pragmatisme et l’intégration. Les accords d’Abraham, liant plusieurs pays arabes à Israël, et les initiatives économiques comme la Vision 2030 saoudienne redessinent les alliances autour de la stabilité et de la coopération. L’Algérie, en revanche, s’accroche à une rhétorique anti-impérialiste héritée de la Guerre froide. Son hostilité envers le Maroc, marquée par la rupture des relations en 2021, et son refus de s’ouvrir à la normalisation régionale l’isolent davantage.
L’alignement d’Alger sur Téhéran, bien que tactique, est fragilisé par la débâcle iranienne. Les allégations de liens entre le Polisario et le Hezbollah, souvent relayées par des sources marocaines, restent non vérifiées, mais elles soulignent la perception d’une Algérie impliquée dans un axe controversé. Le soutien algérien au Polisario, perçu comme un levier contre le Maroc, devient un fardeau diplomatique, surtout face à une communauté internationale de plus en plus critique envers les proxies régionaux.
La stratégie internationale d’Alger sert aussi à masquer des défis domestiques. L’économie algérienne, dépendante à 95 % des hydrocarbures, souffre d’un manque de diversification. Le chômage des jeunes atteint 30 %, et l’inflation (8,1 % en 2024 selon la Banque mondiale) alimente un mécontentement social latent. Le Hirak (2019-2021), bien que réprimé, a révélé une fracture entre un régime autoritaire et une jeunesse aspirant à la démocratie. Les récentes restrictions sur internet et les arrestations de dissidents signalent une crispation du pouvoir face à ces tensions.
En s’appuyant sur une rhétorique anti-occidentale et des rivalités régionales, le régime tente de détourner l’attention de ces crises. Mais la chute des alliés iraniens prive Alger d’un narratif mobilisateur. Sans un axe Téhéran-Damas pour légitimer sa posture, le régime risque de perdre sa crédibilité, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Le pacte algéro-iranien, autrefois fondé sur une opposition assumée à l’ordre mondial, apparaît désormais comme une ancre qui empêche le régime algérien d’évoluer. Résister coûte que coûte, peut-être. Mais à quoi bon, si cette résistance condamne le pays à l’immobilisme, alors que le monde avance ?