La capitale indonésienne est secouée par des manifestations d’une ampleur inédite, déclenchées par la mort tragique d’Affan Kurniawan, un chauffeur de moto-taxi de 21 ans, écrasé par un véhicule blindé de la police lors d’une manifestation devant le Parlement, jeudi 28 août. Ce drame, survenu en pleine dispersion musclée d’une foule protestant contre le coût de la vie, a provoqué une vague de colère nationale, alimentant des affrontements violents à Jakarta et dans plusieurs autres villes.
Affan Kurniawan, employé des plateformes Gojek et Grab, effectuait une livraison lorsqu’il a été percuté par un blindé de la Brigade mobile (Brimob) au cours d’une intervention policière. Selon sa famille et l’association des chauffeurs de motos, il n’était pas un manifestant, mais une victime collatérale de la répression. Une vidéo de l’incident, devenue virale, a attisé l’indignation populaire.
Le chef de la police de Jakarta, Asep Edi Suheri, a reconnu la responsabilité des forces de l’ordre lors d’une conférence de presse jeudi soir. « Au nom de la police, je présente mes plus sincères excuses et condoléances », a-t-il déclaré, promettant une enquête approfondie. Ces mots n’ont cependant pas suffi à apaiser la population, qui y voit le symbole d’une brutalité policière chronique et de l’impunité des autorités.
Vendredi, des milliers de manifestants, chauffeurs de motos et étudiants compris, se sont rassemblés devant le siège de la Brigade mobile et le Parlement pour rendre hommage à Kurniawan et exiger justice. Les rassemblements, initialement pacifiques, ont dégénéré en affrontements violents : gaz lacrymogènes et canons à eau ont été utilisés par la police, tandis que certains manifestants ont lancé des pierres, vandalisé des installations publiques et incendié plusieurs véhicules, selon le Jakarta Post.
La contestation s’est rapidement propagée à d’autres villes comme Surabaya, Yogyakarta et Medan, où les slogans dénoncent désormais non seulement la mort de Kurniawan, mais aussi la corruption, les inégalités et la répression policière.
À l’origine de ces manifestations, une révélation explosive, les 580 parlementaires indonésiens bénéficieraient d’allocations logement de 50 millions de roupies par mois (environ 3 200 USD), soit près de 20 fois le salaire minimum dans certaines régions. Ce privilège, perçu comme une provocation dans un contexte de chômage massif, de bas salaires et de licenciements dans l’industrie textile, a ravivé le mécontentement populaire.
Le président Prabowo Subianto, confronté à une crise majeure à l’approche de son premier anniversaire au pouvoir, a exprimé ses condoléances et promis une enquête « complète et transparente ». « Je suis choqué et déçu par les agissements excessifs des policiers. Les responsables seront tenus pour responsables », a-t-il déclaré. Ces engagements peinent toutefois à calmer la rue, où la défiance envers le pouvoir reste profonde.
Amnesty International Indonésie, par la voix de son directeur Usman Hamid, a dénoncé un « usage excessif de la force systémique » par la police. « Ce qui est arrivé à Affan Kurniawan n’est qu’un exemple parmi d’autres. En Papouasie et ailleurs, nous recevons régulièrement des rapports d’arrestations arbitraires, de tortures et même d’exécutions extrajudiciaires », a-t-il souligné.
Les manifestations, portées par une jeunesse frappée par le chômage et l’incertitude économique, ont transformé Affan Kurniawan en symbole d’un système perçu comme injuste. À Jakarta, des étudiants brandissent son portrait, érigeant le jeune livreur en martyr d’une lutte contre les inégalités et la répression.
Alors que la situation reste volatile, la popularité du président Prabowo, déjà critiqué pour son passé autoritaire, pourrait être mise à rude épreuve. Ce drame, loin d’être une simple bavure, expose les fractures profondes d’une société indonésienne au bord de l’explosion.