Maria Corina Machado, fer de lance de l’opposition vénézuélienne, vient de se voir décerner le prix Nobel de la paix 2025 pour son combat acharné contre la dictature de Nicolás Maduro et sa quête d’un Venezuela démocratique. Une consécration qui fait vibrer les cœurs des exilés et des résistants, mais qui soulève une question brûlante : ce Nobel est-il un hommage au courage d’une femme indomptable… ou une grenade diplomatique lancée dans les jardins de Caracas, Moscou et Pékin ?
Depuis un lieu tenu secret, Machado a réagi avec une émotion brute, confiant à Edmundo González Urrutia:« Je suis bouleversée ! »Sur X, elle a dédié ce prix « à tous les Vénézuéliens qui luttent pour la liberté », ajoutant avec une audace qui frise la provocation :« Nous sommes à l’aube d’une victoire historique. Nous comptons sur le soutien des nations démocratiques pour reconquérir notre démocratie. »
Ces mots ne sont pas qu’un cri du cœur : ils sont un défi frontal au régime Maduro, solidement arrimé à ses alliés russes, chinois et iraniens. À Caracas, on y voit une déclaration de guerre symbolique, un appel à peine voilé à l’ingérence occidentale.
Les capitales occidentales, de Washington à Bruxelles, n’ont pas tardé à saluer un « symbole d’espoir » pour un peuple asphyxié par des années de répression. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a applaudi une récompense qui « reflète les aspirations du peuple vénézuélien à des élections libres ». António Guterres, secrétaire général de l’ONU, a enfoncé le clou : « Un hommage vibrant aux défenseurs de la démocratie face à l’adversité. »
Mais à Caracas, ce Nobel est perçu comme une gifle. Les autorités vénézuéliennes ont dénoncé une « manœuvre impérialiste », accusant le Comité Nobel de transformer une distinction honorifique en arme géopolitique. À leurs yeux, ce prix n’est rien d’autre qu’un coup monté pour galvaniser l’opposition à la veille d’élections sous haute tension, où Maduro joue sa survie politique.
Le choix de Machado n’est pas anodin : Figure charismatique de l’opposition, elle est aussi une personnalité clivante, dont les prises de position secouent les lignes idéologiques de l’Amérique latine. En 2023, son soutien affiché à Israël après les attaques du Hamas a fait scandale dans une région où la cause palestinienne est un totem. Machado est allée plus loin, promettant, si elle accédait au pouvoir, de transférer l’ambassade vénézuélienne de Tel Aviv à Jérusalem, rompant avec l’héritage anti-impérialiste d’Hugo Chávez.
Son parti, Vente Venezuela, a même scellé un accord avec le Likoud de Benjamin Netanyahu, qualifié de « partenariat stratégique ». Pour ses détracteurs, ce virage marque une trahison des idéaux souverainistes chavistes, un alignement éhonté sur l’axe Washington–Tel Aviv. Pour ses partisans, c’est une rupture salvatrice avec l’orbite russo-cubaine, un pas vers une intégration du Venezuela dans le camp des démocraties libérales.
Le Comité Nobel, conscient de jeter de l’huile sur le feu, a défendu son choix avec fermeté :« Maria Corina Machado incarne l’esprit du testament d’Alfred Nobel : la résistance pacifique face à la tyrannie. »
Doté de 11 millions de couronnes suédoises (environ 1,2 million de dollars), le prix sera remis le 10 décembre à Oslo, dans une cérémonie qui s’annonce comme un théâtre diplomatique. D’un côté, les applaudissements de l’Occident ; de l’autre, les grimaces du « Sud global », qui y voit une nouvelle croisade des élites nordiques contre les régimes non alignés.
Ce Nobel a aussi relégué au second plan les espoirs de Donald Trump, qui rêvait de la distinction pour ses accords d’Abraham au Moyen-Orient. Furieux, son porte-parole a qualifié le choix de Machado de « farce idéologique », accusant le Comité Nobel de privilégier une « marionnette de l’OTAN » à un « artisan de la paix ». La réponse du Comité a été cinglante :« Ce prix récompense le courage d’une femme, pas la vanité d’un homme. » Un camouflet qui ne fait qu’amplifier les tensions entre les blocs géopolitiques.
Maria Corina Machado devient ainsi la première femme vénézuélienne à décrocher le Nobel de la paix, un honneur qui la propulse au rang d’icône mondiale. Mais ce triomphe est à double tranchant. Pour les uns, elle est une héroïne, une combattante infatigable qui défie un régime brutal au péril de sa vie. Pour les autres, elle est un instrument, une figure façonnée par l’Occident pour déstabiliser un gouvernement souverain, fût-il autoritaire.
Une chose est certaine , ce Nobel 2025 est bien plus qu’une récompense. C’est une déclaration de guerre symbolique, un choc entre deux visions irréconciliables du monde : celle d’une résistance démocratique portée par l’espoir, et celle d’une souveraineté autoritaire drapée dans le refus de l’ingérence.