Le président de la Chambre des représentants libyenne, Aguila Salah Issa, s’est rendue en Égypte pour discuter avec certains responsables de la proposition de Washington concernant la « démilitarisation » à Syrte et al-Jufra.
Syrte, ville côtière située à environ 370 km à l’est de Tripoli, et al-Jufra, une base aérienne située dans le centre de la Libye, forment les fronts où une « bataille imminente » est attendue entre les forces du gouvernement de Tripoli, également connu sous le nom de gouvernement d’union nationale ou gouvernement d’entente nationale (GNA) et l’Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par le général en retraire, Khalifa Haftar. Ces dernières semaines, ces zones ont connu une période de trêve relative, même si les deux parties en guerre ont continué à se mobiliser. À cet égard, le 9 août, un commandant militaire a indiqué que les forces du GNA étaient disposées à accepter un accord de cessez-le-feu, mais en même temps, elles étaient prêtes à contrer toute offensive.
Face à ce scénario, Aguila Saleh a organisé le 9 août une visite en Égypte, où il devrait rencontrer plusieurs responsables égyptiens pour discuter de ce qu’on a appelé une « proposition américaine » qui a été exhortée par un conseiller de la Maison Blanche sur la sécurité nationale, Robert C.O’Brien. Plus précisément, O’Brien a réitéré l’opposition américaine à toute implication militaire étrangère, pour chacune des parties en conflit, y compris les mercenaires, et a appelé à la mise en œuvre d’une solution qui inclut une «démilitarisation» de Syrte et d’autres régions. Al-Jufra.
Des déclarations similaires ont également été faites les 7 et 8 août lors de conversations téléphoniques entre l’ambassadeur américain en Libye, Richard Norland, et quelques représentants du gouvernement de Tripoli, à savoir le Premier ministre, Fayez al-Sarraj, et le ministre de l’intérieur, Fathi Bashagha. Les parties ont discuté des efforts visant à parvenir à une « formule finale » qui conduirait à un cessez-le-feu permanent, à une plus grande transparence des institutions économiques et à un développement du processus politique sous les auspices de l’ONU. En outre, les États-Unis ont souligné l’importance de la création d’une zone «démilitarisée» dans le centre de la Libye et la reprise des activités pétrolières par l’État partenaire, la National Oil Corporation (NOC), et ont déclaré qu’ils étaient prêts à rester actifs pour favoriser un dialogue pacifique et le retrait des forces étrangères du pays d’Afrique du Nord.
Cependant, le Caire ne semble pas entièrement d’accord sur une telle « formule » élaborée sans une « étude adéquate », une telle solution permettrait à la Turquie de renforcer sa présence en Libye et de contourner les manœuvres au Caire qui, en plus d’avoir défini Syrte «une ligne rouge à ne pas franchir», a autorisé le 20 juillet la leurs forces à se déployer au-delà des frontières nationales, étant donné la menace croissante de la Libye voisine.
Pour sa part, l’ANL n’a pas exprimé sa volonté d’accepter un pacte prévoyant le retrait de ses forces à environ 160 km à l’est de Syrte, limitant sa présence à la région d’Ajdabiya. En outre, il a été proposé aux forces de Haftar de contrôler la région pétrolière de Hilal, mais de reprendre complètement les activités pétrolières et de remettre le produit à la Banque centrale libyenne. C’est une clause à laquelle Haftar et ses tribus libyennes affiliées s’opposent, estimant que de tels gains finiraient entre les mains de terroristes et d’extrémistes et financeraient les armes turques.
L’Égypte, en réalité, n’a rejeté aucune proposition faite pour parvenir à une solution politique au conflit, venant des États-Unis ou d’ailleurs. Cependant, le Caire exige une résolution qui tienne compte du «réel équilibre» sur le terrain et qui apporte des garanties visant à préserver la sécurité des territoires égyptiens. En outre, le Caire ne semble pas avoir accepté la proposition de transférer les forces de sécurité de Tripoline à Syrte et al-Jufra, comme proposé par Washington.
Dans un climat de plus en plus complexe, des sources égyptiennes se sont dites surprises par l’ingérence soudaine des États-Unis et du plan proposé, qui démontrerait une méconnaissance de la situation réelle en Libye. Pour le Caire, Washington tente de «légitimer les milices» et de légaliser leur présence au sein de l’appareil sécuritaire libyen, en référence aux mercenaires syriens envoyés d’Ankara, dont, selon certains, il y a aussi des terroristes.
Les mêmes sources ont alors déclaré que Washington avait agi comme s’il était le seul acteur en Libye, ou comme s’il avait à lui seul les clés de la solution, ignorant qu’il y avait de nombreuses forces impliquées capables de renverser la situation, et que la crise libyenne c’est une crise tellement complexe qu’elle nécessite des consultations de grande ampleur, avec la participation de toute la communauté internationale et une convergence d’opinions en son sein.
La Libye vit dans une situation de grave instabilité depuis le 15 février 2011, date du début de la révolution et de la guerre civile. D’une part, il y a le gouvernement de Tripoli, né avec les accords de Skhirat du 17 décembre 2015, et dirigé par le Premier ministre Fayez al-Sarraj, qui représente le seul exécutif reconnu par l’ONU. Ses principaux soutiens sont la Turquie, l’Italie et le Qatar. De l’autre côté, il y a le gouvernement Tobrouk du général Khalifa Haftar, soutenu par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Russie et la France. La Jordanie est également considérée comme un important exportateur d’armes pour la LNA.