La scène politique syrienne continue d’évoluer après la chute de Bachar al-Assad en décembre dernier. Vendredi, le président de facto syrien, Ahmed Al-Sharaa, a tenu une rencontre avec l’ambassadeur de Chine à Damas, Shi Hongwei. Il s’agit du premier échange officiel entre les deux pays depuis ce bouleversement historique.
La Chine, soutien de longue date du régime d’Assad, avait vu son ambassade à Damas pillée après la chute de l’ancien président. Cette attaque symbolisait la fin d’une ère et soulignait le ressentiment d’une partie de la population syrienne à l’égard de Pékin, qui avait défendu Assad sur la scène internationale, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU.
Avec l’arrivée au pouvoir d’Ahmed Al-Sharaa et de son gouvernement à dominance islamiste, la nature des relations sino-syriennes demeure incertaine. En particulier, la présence au sein des nouvelles forces armées syriennes de combattants étrangers, dont des Ouïghours — une minorité musulmane persécutée en Chine selon plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme —, pourrait compliquer les liens entre Damas et Pékin.
La décision des nouvelles autorités syriennes d’intégrer des militants islamistes à des postes clés du gouvernement suscite des inquiétudes, aussi bien chez les citoyens syriens que dans les chancelleries étrangères. Malgré les déclarations du régime assurant qu’il ne cherchera pas à exporter la révolution islamique et qu’il respectera les minorités, plusieurs gouvernements restent sceptiques quant à la trajectoire que prendra le pays.
La question des combattants ouïghours, qui avaient fui la Chine pour rejoindre la Syrie via la Turquie, constitue un autre point de tension. Pékin accuse ces groupes d’avoir participé à des activités terroristes et craint que leur implication en Syrie n’alimente de futures menaces pour sa propre sécurité.
Historiquement, la Chine avait soutenu Assad contre toute ingérence extérieure. En 2023, le président chinois Xi Jinping lui avait même réservé un accueil chaleureux, marquant un rare moment de reconnaissance internationale pour le dirigeant syrien, alors sous le coup de nombreuses sanctions. Pourtant, un an plus tard, Assad a été renversé lors d’une offensive éclair menée par une coalition rebelle dirigée par Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), un groupe issu d’Al-Qaïda.
Aujourd’hui, Pékin doit adapter sa stratégie et redéfinir ses relations avec la Syrie nouvelle. Son objectif est double : préserver ses intérêts économiques et sécuritaires au Moyen-Orient tout en veillant à ce que le pays ne devienne pas un sanctuaire pour les groupes qu’elle considère comme une menace.
La rencontre entre Al-Sharaa et Shi Hongwei marque un premier pas vers une redéfinition des relations entre la Syrie et la Chine. Reste à savoir si Pékin choisira de collaborer avec les nouvelles autorités syriennes ou si elle adoptera une position plus distante, dans l’attente de voir comment évoluera la situation politique et sécuritaire du pays.
Dans un contexte régional déjà fragile, où les rivalités entre puissances mondiales se mêlent aux tensions internes, la Syrie reste au centre d’un échiquier géopolitique complexe. Le silence autour de cette rencontre en dit long, plus qu’un simple échange diplomatique, c’est l’avenir des relations entre ces deux nations qui se joue en coulisses.