Dimanche 9 mars 2025, la ville d’El-Obeid, située dans l’État du Kordofan-Nord au sud du Soudan, a été secouée par des tirs d’artillerie attribués aux Forces de soutien rapide (FSR), un puissant groupe paramilitaire en guerre contre l’armée soudanaise depuis avril 2023. Selon une source médicale de l’hôpital principal de la ville, contactée par l’AFP sous couvert d’anonymat, ces bombardements ont fait neuf morts et au moins 23 blessés parmi les civils. Parmi les victimes, plusieurs passagers d’un bus touché par un obus, illustrant la brutalité des attaques contre les populations civiles.
Des témoins ont rapporté à l’AFP que les tirs, provenant du nord et de l’ouest de la ville, se poursuivent sans interruption depuis trois jours, plongeant les habitants dans la peur et l’incertitude. « Les bombardements sont intenses, et nous vivons dans la terreur constante », a confié un résident, décrivant une situation où les civils sont pris au piège entre les belligérants. Cette attaque intervient un mois après que l’armée soudanaise a levé un siège paramilitaire de près de deux ans sur El-Obeid, une ville stratégique reliant la capitale Khartoum à la région occidentale du Darfour.
El-Obeid, avec sa position géographique clé, est depuis longtemps un enjeu majeur dans le conflit soudanais. Pendant près de deux ans, la ville a été assiégée par les FSR, qui cherchaient à consolider leur contrôle sur les routes vitales reliant Khartoum au Darfour, une région riche en ressources mais dévastée par des décennies de conflits. Le siège a exacerbé la crise humanitaire dans la région, avec des pénuries de nourriture, de médicaments et d’eau potable, tandis que les habitants vivaient sous la menace constante des violences.
En février 2025, l’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, a réussi à briser ce siège, marquant une victoire symbolique dans un conflit où les gains territoriaux sont rares et souvent temporaires. Cependant, la reprise des bombardements par les FSR montre que la ville reste un objectif stratégique pour les paramilitaires, qui contrôlent désormais presque tout le Darfour. De son côté, l’armée tient le nord et l’est du pays, ainsi que des portions récemment reprises de Khartoum et du centre du Soudan. Cette lutte pour le contrôle territorial illustre la fragmentation du pays, où chaque camp cherche à consolider ses positions dans un conflit qui semble sans issue.
Le conflit au Soudan oppose depuis avril 2023 l’armée régulière, sous le commandement du général Burhane, aux FSR, dirigées par son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, surnommé « Hemetti ». Ce qui a commencé comme une lutte de pouvoir entre deux factions militaires, issues d’une alliance fragile après la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019, s’est transformé en une guerre totale, marquée par des violences indiscriminées contre les civils et une destruction massive des infrastructures.
Les combats ont fait des dizaines de milliers de morts, bien que les chiffres exacts soient difficiles à établir en raison du chaos et de l’accès limité aux zones de conflit. Selon les Nations Unies, plus de 12 millions de personnes ont été déplacées, soit à l’intérieur du pays, soit vers les pays voisins comme le Tchad, l’Égypte et le Soudan du Sud. Cette crise humanitaire, l’une des plus graves au monde, est aggravée par la destruction des hôpitaux, des écoles et des réseaux d’approvisionnement, ainsi que par l’effondrement de l’économie soudanaise.
Les habitants d’El-Obeid, comme ceux de nombreuses autres villes soudanaises, sont les premières victimes de ce conflit. Les bombardements indiscriminés, comme celui qui a visé un bus dimanche, montrent que les civils sont souvent pris pour cible ou considérés comme des « dommages collatéraux » par les belligérants. Les images de fumée s’élevant au loin, comme celles capturées à Wad Madani dans l’État d’al-Jazirah lors d’affrontements précédents, sont devenues un symbole tragique de la guerre au Soudan.
Les témoins décrivent une vie quotidienne marquée par la peur, les pénuries et l’incertitude. « Nous ne savons pas où nous réfugier », a déclaré un habitant d’El-Obeid à l’AFP. « Les tirs peuvent venir de n’importe où, et les routes sont dangereuses. » Cette situation est d’autant plus désespérée que les organisations humanitaires peinent à accéder aux zones de conflit, en raison des combats et des restrictions imposées par les deux camps.