L’ancien grand mufti de Syrie sous le régime de Bachar el-Assad, le cheikh Ahmad Badreddin Hassoun, a été arrêté par la Sécurité générale à l’aéroport international de Damas alors qu’il s’apprêtait à quitter le pays pour la Jordanie, en route vers Oman pour une intervention chirurgicale. Cette interpellation, rapportée par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) sur la base de « sources fiables », marque un tournant pour cette figure religieuse controversée, longtemps perçue comme l’un des piliers du pouvoir en place.
Âgé de 76 ans, Ahmad Badreddin Hassoun a été le grand mufti de Syrie entre 2005 et 2021, période durant laquelle il a émis des fatwas soutenant le régime de Bachar el-Assad. Considéré comme un allié indéfectible du pouvoir, il a défendu publiquement la politique du gouvernement, notamment lors des années les plus sanglantes du conflit syrien. Son éviction en 2021, par décret présidentiel, avait été interprétée comme une volonté du régime de restructurer l’autorité religieuse sous un contrôle encore plus étroit.
Selon l’OSDH, le passeport de Hassoun avait été validé par les services d’immigration avant qu’un groupe de la Sécurité générale ne l’intercepte et ne l’emmène vers une destination inconnue. Des images circulant sur les réseaux sociaux le montrent les yeux bandés, suscitant de nombreuses interrogations sur les motifs réels de cette arrestation et sur son sort.
Les autorités syriennes n’ont pas encore communiqué officiellement sur cette affaire, laissant place à des spéculations. Certains analystes y voient une possible purge interne visant les anciens dignitaires du régime jugés encombrants ou en disgrâce.
L’arrestation de Hassoun survient dans un contexte de tensions accrues en Syrie, où des voix s’élèvent contre les figures religieuses ayant soutenu la répression du régime. À Alep, son fief d’origine, une foule s’est rassemblée devant son domicile pour réclamer des comptes sur son rôle dans les exactions perpétrées contre les opposants.
Accusé d’avoir cautionné des crimes de guerre, notamment les massacres dans la prison de Saydnaya, il était surnommé par ses détracteurs le « mufti du régime du baril », en référence aux bombes artisanales larguées sur les zones rebelles. Lors d’une récente apparition publique, Hassoun avait tenté de se défendre, affirmant avoir lui-même été détenu à trois reprises par le régime, une déclaration qui n’a pas convaincu ses opposants.
Cette arrestation marque un moment clé dans la réorganisation du pouvoir en Syrie. Alors que le régime cherche à redorer son image sur la scène internationale, l’éviction de certaines figures controversées pourrait être perçue comme une tentative de repositionnement politique.
Reste à savoir si cette opération est un simple règlement de comptes interne ou si elle s’inscrit dans une stratégie plus large visant à remanier les alliances au sein du pouvoir. Dans un pays en crise, où le pouvoir repose sur un fragile équilibre entre les différentes factions, le sort d’Ahmad Badreddin Hassoun pourrait en dire long sur les luttes de pouvoir en coulisses.