Les cours du pétrole brut ont enregistré vendredi un léger repli après une poussée alimentée par de bons indicateurs PMI américains et européens et par une baisse des stocks de l’EIA. À première vue, le marché paraît solide : forte demande estivale, exportations soutenues, raffineries tournant à plein régime. Mais derrière cette vigueur conjoncturelle, se profile déjà un horizon plus sombre : une surabondance pétrolière dès le quatrième trimestre.l.
Actuellement, les exportations mondiales de pétrole atteignent 41 millions de barils par jour, un niveau supérieur à la moyenne saisonnière de la dernière décennie. Cette abondance est absorbée par une consommation estivale soutenue dans l’hémisphère nord, notamment pour les carburants. Cependant, cet équilibre est précaire. Avec la fin de la saison haute, la demande devrait ralentir, tandis que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) note que la capacité mondiale de raffinage, à un pic de 85,6 millions de barils par jour en août (+1,6 million sur un an), risque de décliner dès septembre. Parallèlement, l’OPEP+ envisage une levée progressive de ses réductions de production, ce qui pourrait précipiter un surplus d’offre, déséquilibrant un marché déjà fragile.
La carte mondiale de l’offre pétrolière se redessine avec des tendances divergentes. En Amérique du Sud, les exportations progressent de 9 % au-delà de la moyenne décennale, consolidant le rôle de la région comme moteur de croissance énergétique. En revanche, au Moyen-Orient, les dynamiques sont plus complexes. L’Irak réduit volontairement ses volumes pour corriger des excédents antérieurs, tandis que d’autres pays du Golfe, confrontés à des vagues de chaleur sans précédent, réorientent une part croissante de leur brut vers la production électrique pour répondre à une demande intérieure galopante. Cette situation révèle une double vulnérabilité : une dépendance accrue aux flux sud-américains et une incapacité des producteurs du Golfe à ajuster leur offre sans compromettre leurs équilibres internes.
L’incertitude géopolitique ajoute une couche de complexité. Les espoirs d’un règlement rapide du conflit russo-ukrainien se sont dissipés, renforçant la perception du risque pour les acteurs du marché. Par ailleurs, les États-Unis ont intensifié leurs sanctions contre les exportations pétrolières iraniennes, ciblant un armateur grec et deux opérateurs chinois de terminaux. Pourtant, la Chine continue d’absorber 90 % du brut iranien, alimentant un marché opaque via une « flotte fantôme » de tankers échappant aux radars. Cette situation rend les prévisions de marché difficiles, accentuant l’instabilité des prix.
Le marché pétrolier se trouve à un tournant critique. La fin de la demande saisonnière, combinée à une augmentation prévue de l’offre de l’OPEP+ et à des contraintes géopolitiques persistantes, annonce un risque de surabondance dès le quatrième trimestre. Si les raffineries réduisent leurs taux d’utilisation et que les producteurs ne parviennent pas à coordonner leurs stratégies, les prix pourraient subir une pression à la baisse, menaçant les équilibres économiques de nombreux pays exportateurs. Dans ce contexte, la capacité des acteurs mondiaux à anticiper et gérer cette transition sera déterminante pour éviter un choc pétrolier inversé, où l’excès d’offre surpasserait la demande.