Le 21 août 2025, le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi s’est rendu à Neom, la ville futuriste d’Arabie saoudite, à l’invitation du prince héritier Mohammed ben Salmane (MbS). Loin d’être une simple rencontre protocolaire, cette visite scelle l’ambition partagée du Caire et de Riyad de renforcer leur partenariat stratégique, devenu un pilier incontournable face aux multiples crises qui fracturent le monde arabe. Ce sommet, le deuxième d’Al-Sissi en Arabie saoudite cette année, traduit une volonté commune de consolider un front régional robuste, capable de répondre aux défis sécuritaires, économiques et diplomatiques d’un Moyen-Orient en proie à l’instabilité.
Les discussions ont porté sur des mécanismes concrets pour dynamiser les investissements croisés et revitaliser le Conseil suprême de coordination égypto-saoudien. Les deux pays cherchent à approfondir leur collaboration dans les secteurs économiques et technologiques, tout en renforçant leur coopération sécuritaire, essentielle face aux menaces régionales croissantes. Ce partenariat vise à positionner l’Égypte et l’Arabie saoudite comme un moteur de stabilité dans un espace arabe fragmenté par des conflits persistants.
La crise à Gaza a dominé les échanges. Al-Sissi a réaffirmé avec force le refus catégorique de l’Égypte de tout projet de déplacement forcé des Palestiniens vers le Sinaï, dénonçant une telle hypothèse comme une violation des droits fondamentaux et une menace à la stabilité régionale. Il a appelé à une mobilisation accrue pour l’aide humanitaire et à une pression diplomatique renforcée en faveur d’un cessez-le-feu. De son côté, MbS a insisté sur l’importance de préserver l’unité arabe autour de la cause palestinienne, plaidant pour une solution à deux États comme seule issue viable pour mettre fin à l’instabilité chronique. Les deux dirigeants ont rejeté le statu quo, qu’ils jugent propice à l’escalade des tensions.
Au-delà de Gaza, les entretiens ont abordé d’autres foyers de tension : le Liban, au bord de l’effondrement institutionnel ; la Syrie, engluée dans une division persistante ; le Soudan, ravagé par une guerre civile dévastatrice ; la Libye, minée par des rivalités entre milices ; et le Yémen, dont le conflit menace directement la sécurité des routes maritimes en mer Rouge. Sur ce dernier point, Riyad et Le Caire ont convenu de coordonner leurs efforts pour sécuriser ces artères vitales du commerce mondial, vulnérables aux attaques et aux ingérences extérieures, notamment celles des Houthis soutenus par l’Iran.
Cette rencontre, qui fait suite à une réunion en février 2025 sur la cause palestinienne avec des dirigeants du Golfe et de la Jordanie, consacre le retour de l’axe égypto-saoudien comme pivot d’un équilibre régional fragile. L’Égypte, forte de son poids historique et diplomatique, et l’Arabie saoudite, portée par ses ambitions de puissance économique et régionale, cherchent à asseoir leur leadership face à l’émergence d’acteurs extra-régionaux comme la Turquie et l’Iran, ainsi qu’à l’influence des grandes puissances occidentales.
La rencontre à Neom ne se limite pas à gérer les crises immédiates : elle ambitionne de poser les jalons d’une stratégie arabe à long terme, capable de dépasser les réponses conjoncturelles. En combinant l’expérience diplomatique égyptienne et les ressources économiques saoudiennes, ce partenariat aspire à redéfinir les dynamiques régionales. Cependant, la concrétisation de ces ambitions reste incertaine dans un Moyen-Orient où chaque crise peut bouleverser les équilibres précaires. La capacité de Riyad et du Caire à transformer ces intentions en actions tangibles déterminera leur aptitude à peser véritablement sur la scène régionale.