La condamnation de l’ex-Premier ministre tunisien Ali Larayedh à 34 ans de prison pour des accusations de « terrorisme » fait l’effet d’une onde de choc, marquant un tournant dans la politique tunisienne, longtemps considérée comme un modèle démocratique post-Printemps arabe. Cette sentence, prononcée par un tribunal tunisien, survient dans un contexte de répression de plus en plus marquée, où les opposants au président Kais Saied se retrouvent systématiquement pris pour cibles, accusés de divers crimes. L’affaire Larayedh, bien que centrée sur des accusations spécifiques, est perçue comme faisant partie d’une offensive plus large contre la dissidence, une stratégie visant à neutraliser toute forme d’opposition et à maintenir un pouvoir exécutif de plus en plus autoritaire.
Ali Larayedh, ancien Premier ministre sous la présidence de Moncef Marzouki entre 2013 et 2014, est accusé d’avoir facilité l’envoi de combattants en Syrie pendant la guerre civile qui ravage ce pays voisin. Cependant, l’homme politique d’Ennahdha, l’un des principaux partis d’opposition, rejette catégoriquement ces accusations, les qualifiant de non fondées et de politisées. Selon Larayedh, il n’a jamais soutenu ni facilité de quelque manière que ce soit des activités terroristes ou violentes. Au contraire, il affirme que les accusations portées contre lui visent à le réduire au silence, ainsi que le parti qu’il représente, dans un contexte où le président Saied cherche à consolider son emprise sur le pouvoir.
Ce jugement intervient dans une série de mesures de plus en plus sévères à l’encontre des opposants politiques, des journalistes, des avocats et même des hommes d’affaires jugés trop critiques à l’égard de la politique de Saied. En effet, quelques semaines avant cette condamnation, l’avocat Ahmed Souab, l’un des plus ardents détracteurs du président, a été arrêté dans des circonstances controversées. De même, de nombreuses personnalités de l’opposition ont été emprisonnées ou ont reçu de lourdes peines de prison dans le cadre de procès qui semblent plus motivés par des considérations politiques que par des faits avérés.
L’arrestation d’Ali Larayedh ne constitue donc pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans une dynamique de répression qui s’est intensifiée depuis 2021, lorsque Kais Saied a suspendu le Parlement, concentré les pouvoirs entre ses mains et révisé la Constitution pour renforcer son pouvoir personnel. Ces changements ont été largement perçus comme un coup de force, marquant un recul significatif des acquis démocratiques que la Tunisie avait pourtant obtenus après la révolution de 2011. En ce sens, la condamnation de Larayedh apparaît comme une nouvelle tentative de Saied pour affaiblir ceux qui s’opposent à sa vision politique.
L’issue de ce procès a provoqué de vives réactions, notamment sous la forme de manifestations dans les rues de Tunis, où les opposants à Saied sont descendus en masse pour exprimer leur mécontentement. « Saied, va-t’en ! », « Le peuple veut la chute du régime ! » ont scandé les manifestants, des slogans qui résonnent comme un écho aux révoltes populaires de 2011, qui ont renversé le président Zine El Abidine Ben Ali et marqué la fin d’une dictature de plusieurs décennies. Pour beaucoup, le régime de Saied semble désormais suivre une trajectoire autoritaire qui menace de faire basculer la Tunisie dans un nouveau cycle de répression et de fermeture politique.
Ces protestations sont symptomatiques d’une fracture profonde dans la société tunisienne, avec un gouvernement d’un côté et une opposition croissante de l’autre. Les critiques de Saied estiment qu’il utilise le système judiciaire pour étouffer la liberté d’expression, étouffer les voix dissidentes et limiter les libertés individuelles. Cette situation met en lumière les tensions croissantes au sein du pays, où les frustrations liées à l’autoritarisme grandissent au fur et à mesure que les droits démocratiques sont progressivement érodés.
Les défenseurs des droits humains s’inquiètent de plus en plus de la dérive autoritaire du gouvernement tunisien. Alors que l’indépendance de la justice est affirmée par les autorités, de nombreuses organisations internationales, ainsi que des observateurs locaux, soulignent que les poursuites contre Larayedh et d’autres figures de l’opposition s’inscrivent dans un climat où la répression se fait de plus en plus violente. La situation actuelle est perçue comme un recul dramatique des libertés publiques et des principes démocratiques qui avaient pourtant permis à la Tunisie de se distinguer dans la région après la révolution de 2011.
La communauté internationale suit de près les événements en Tunisie, se demandant si le pays parviendra à préserver son héritage révolutionnaire ou si une nouvelle dictature est en train de prendre forme. Les acquis démocratiques de la révolution, tels que la liberté d’expression et le pluralisme politique, sont aujourd’hui menacés, et le jugement d’Ali Larayedh pourrait bien marquer le début d’une nouvelle phase de répression systématique à l’encontre de toute forme d’opposition politique.
À l’heure actuelle, l’avenir politique de la Tunisie avenir politique semble suspendu à la capacité du peuple tunisien à défendre les valeurs de liberté et de démocratie qu’il a autrefois conquises. Toutefois, face à une répression croissante et un président qui concentre de plus en plus de pouvoir, l’espoir d’une sortie de crise démocratique semble s’amenuiser chaque jour un peu plus. La Tunisie sera-t-elle capable de maintenir son engagement en faveur des droits humains et de la démocratie, ou bien cédera-t-elle à la tentation d’un autoritarisme qui mettrait en péril tout ce pour quoi les Tunisiens ont lutté en 2011 ?