À Tripoli, la contestation ne faiblit pas. Pour le deuxième vendredi consécutif, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans les rues de la capitale libyenne afin de réclamer le départ du Gouvernement d’unité nationale (GNU) dirigé par Abdelhamid Dbeibah, malgré son statut officiel reconnu par l’ONU. Ce mouvement populaire traduit un profond mécontentement face à la situation sociale, politique et sécuritaire qui s’aggrave dans le pays.
« Les Libyens de toutes origines réclament la chute du gouvernement et la tenue d’élections dans un délai maximal de six mois », a affirmé Fijra al-Reguebi, une manifestante présente à Tripoli. Les slogans résonnaient dans la foule : « On veut une solution ! Le peuple libyen en a assez ! » et « Dbeibah doit partir avant l’Aïd », la fête musulmane prévue aux alentours du 6 juin. Cette mobilisation, qui s’est déroulée dans un climat globalement calme et sous la surveillance de forces de sécurité, illustre la défiance grandissante envers les institutions actuelles.
La Libye, riche en ressources pétrolières, reste fragilisée depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. La scène politique est aujourd’hui marquée par une double autorité : le GNU basé à Tripoli, dirigé par Dbeibah, et un gouvernement rival installé à Benghazi, soutenu par le maréchal Khalifa Haftar. Cette division nourrit une instabilité chronique qui freine la reconstruction nationale.
Les élections présidentielles et législatives, prévues initialement en décembre 2021, ont été reportées à plusieurs reprises en raison des désaccords persistants entre factions rivales. Face à cette impasse, certains manifestants réclament la dissolution non seulement du GNU mais aussi du Parlement basé à l’est du pays ainsi que du Haut Conseil d’État, qui agit comme une sorte de Sénat à Tripoli. Leur revendication : la fin de toutes les institutions actuelles, perçues comme inefficaces et déconnectées des aspirations populaires.
Ces tensions politiques s’accompagnent d’une crise sécuritaire préoccupante. Entre le 12 et le 15 mai, des affrontements armés ont éclaté dans le centre de Tripoli entre milices rivales et forces loyalistes au gouvernement. Le GNU avait décidé de démanteler les milices, considérées par Abdelhamid Dbeibah comme « plus puissantes que l’État ». Ces combats ont fait au moins huit morts selon l’ONU, avant qu’une fragile trêve ne soit instaurée.
Le gouvernement fait face à une contestation de plus en plus virulente. La semaine précédente, des milliers de personnes s’étaient déjà mobilisées pour dénoncer la gestion de la crise. Lors de ces manifestations, un policier chargé de la sécurité du siège gouvernemental avait perdu la vie dans une tentative d’assaut attribuée à un groupe mêlé aux manifestants.
Face à cette situation explosive, la cheffe de la Mission de l’ONU en Libye, Manul Hanna Tetteh, a insisté sur la nécessité de respecter « le droit de manifester » et d’écouter les citoyens « mécontents de la manière dont les choses sont gérées ». Elle a souligné que, même si la communauté internationale continue de reconnaître le GNU, il est crucial de prendre en compte la colère populaire, notamment dans l’ouest du pays.
Cette nouvelle série de manifestations illustre un pays toujours en quête d’unité et de stabilité, où la gouvernance reste fragilisée par les luttes de pouvoir et les tensions sociales. Le défi reste immense pour trouver une issue politique capable de satisfaire les revendications du peuple libyen.