Un nouveau drame migratoire d’une ampleur tragique s’est produit dimanche 3 août 2025, au large des côtes sud du Yémen. Une embarcation de fortune transportant 157 migrants, majoritairement éthiopiens, a sombré dans les eaux du golfe d’Aden. Le dernier bilan communiqué par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) fait état d’au moins 76 morts et 74 disparus présumés morts, tandis que seulement 12 survivants ont pu être secourus.
Parti de Djibouti, le bateau visait les côtes du Yémen, passage stratégique et périlleux vers les États du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, destination rêvée pour des centaines de milliers de migrants fuyant la pauvreté, les conflits armés ou les violences ethniques dans la Corne de l’Afrique. Cette traversée, surnommée la « route de l’Est », est l’une des plus dangereuses au monde. En 2024, l’OIM avait déjà recensé 558 décès sur ce couloir migratoire, dont 462 liés à des naufrages.
Le naufrage s’est produit au large d’Abyan, une province du sud du Yémen en proie à l’instabilité sécuritaire. Dès l’annonce du drame, les autorités locales ont lancé une vaste opération de secours. Les recherches se poursuivent dans des conditions extrêmement précaires, entre manque d’équipement, insécurité sur le terrain, et mer agitée. « À ce stade, 68 personnes à bord ont été tuées, mais seulement 12 ont pu être sauvées. Le sort des autres reste inconnu », a déclaré Abdusattor Esoev, chef de mission de l’OIM au Yémen.
Les survivants, en état de choc, ont été transférés dans des centres d’accueil de fortune, mais leurs témoignages évoquent une scène d’horreur : des passagers jetés à la mer par les passeurs, un bateau surchargé, et l’absence totale de gilets de sauvetage. Le mois dernier déjà, huit migrants avaient trouvé la mort dans des circonstances similaires, après avoir été contraints de sauter à l’eau.
Malgré la guerre civile qui ravage le Yémen depuis plus de dix ans, le pays continue de jouer un rôle de couloir migratoire vers le Golfe. Les migrants, souvent sans papiers, deviennent les proies faciles de réseaux de passeurs et de trafiquants qui prospèrent dans le chaos. Selon Ayla Bonfiglio, directrice régionale du Mixed Migration Centre, « les réfugiés et les migrants n’ont pas d’autre choix que de recourir aux passeurs, bien qu’ils soient pleinement conscients des risques ».
Les côtes méridionales du Yémen, notamment celles d’Abyan, voient ainsi régulièrement accoster des embarcations de fortune, à la limite de l’effondrement. Pour nombre de migrants, le Yémen ne représente qu’une étape d’un périple plus long et plus périlleux encore, vers les monarchies pétrolières du Golfe.
Face à cette tragédie, les appels à une mobilisation internationale plus ferme contre les réseaux de traite humaine se multiplient. Mais sur le terrain, les moyens manquent cruellement. La Méditerranée, longtemps considérée comme le principal théâtre des drames migratoires, n’est plus la seule mer des morts. Le golfe d’Aden est devenu un cimetière invisible, aux confins de l’Afrique et du Moyen-Orient.