La rencontre, ce mardi 15 avril 2025, entre le Général-major Mohamed Salah Benbicha, secrétaire général du ministère algérien de la Défense, et le vice-président du Comité russe de défense et de sécurité, Iurii Vallaev, s’inscrit dans une séquence diplomatique pour le moins troublante. À première vue, il s’agirait d’un simple renforcement de la coopération militaire entre deux partenaires historiques. En réalité, cette entrevue illustre un repositionnement stratégique de l’Algérie à un moment où ses relations avec la France traversent une zone de fortes turbulences.
Depuis plusieurs mois, la crise diplomatique entre Alger et Paris s’enlise : réduction des échanges politiques, tensions sur les questions mémorielles, restrictions de visas, ingérences perçues ou réelles… Autant de signaux qui ont contribué à refroidir une relation déjà minée par la méfiance. Dans ce climat tendu, la main tendue à Moscou apparaît comme un message limpide : l’Algérie regarde ailleurs, et ce « ailleurs » se trouve à l’Est.
Or, ce choix d’orientation ne saurait être dénué de conséquences. Alors que la Russie continue de mener sa guerre en Ukraine, avec à la clé des accusations de crimes de guerre et une marginalisation croissante sur la scène internationale, pourquoi renforcer la coopération militaire avec un partenaire aussi clivant ? Cette question mérite d’autant plus d’être posée que la diplomatie algérienne s’est toujours targuée d’un certain équilibre dans ses alliances. En se rapprochant de Moscou, Alger s’expose à la critique d’un alignement implicite sur des positions contestées, en contradiction avec son discours de non-alignement historique.
De plus, au moment où l’Europe – dont la France reste une porte d’entrée incontournable – restructure ses alliances en Afrique, l’Algérie risque de s’isoler davantage sur le plan économique et stratégique. Le partenariat avec Moscou, aussi symbolique soit-il, n’est pas sans limites. La Russie, en crise économique et sous sanctions, n’est plus la puissance technologique et militaire qu’elle prétend être. Miser sur ce cheval aujourd’hui, c’est risquer de perdre l’équilibre fragile qu’Alger a toujours essayé de maintenir dans ses relations internationales.
