Des dizaines de milliers de manifestants indignés sont descendus dans les rues de différentes villes du Liban, ils ont bloqué les routes et incendié des pneus vendredi, pour exiger la démission du gouvernement. Ils accusent l’élite politique de piller le pays et de le conduire à la faillite économique. La colère populaire a éclaté jeudi lorsque les autorités ont annoncé l’imposition d’une taxe sur les messages instantanés offerts par des applications telles que WhatsApp.
Les manifestations ont rapidement envahi les rues des principales villes du pays, obligeant le ministre des Télécommunications à faire marche arrière dans la mesure où il comptait facturer 18 cents par jour pour les appels vocaux via Internet. Les manifestants ont bloqué l’accès à la capitale et sont venus se concentrer au siège du gouvernement à Beyrouth. Ils ont également encerclé le palais présidentiel, à Baabda, juste à l’extérieur de la capitale. La police a agi pour disperser les concentrations en lançant des gaz lacrymogènes. Deux personnes sont mortes d’inhalation de fumée.
Depuis l’aube, ce vendredi, la situation reste critique. Ce sont les manifestations les plus massives depuis 2015, puisqu’elles ont explosé dans tout le pays et concernent toutes les religions et de toutes les idéologies. Aucun parti politique ou sectaire n’a été épargné par la critique des Libanais. Les manifestants scandent des slogans contre le Premier ministre Saad Hariri et arborent des banderoles appelant à la chute du gouvernement. Une fois encore, le fameux slogan du Printemps arabe a été le plus entendu: « Le peuple ne veut plus le régime actuel ».
Il y a eu également des attaques contre les bureaux des parties participant au gouvernement d’union, du influent Hezbollah chiite (le seul à bras armé) au mouvement Amal (dirigé par le président du Parlement, Nabih Berri). Le président, Michel Aoun, n’a même pas échappé à la pression. Au Liban, la loi qui maintient le fragile équilibre entre les confessions religieuses établit que le président est un chrétien; le Premier ministre sunnite et le président du Parlement chiite.
« Nous sommes descendus dans la rue parce que nous ne pouvons plus supporter la situation. Ce régime est totalement corrompu. Ce sont tous des voleurs qui sont venus au gouvernement pour se remplir les poches et non pour servir leur pays », a déclaré Fadi Issa, un citoyen de 51 ans participant aux manifestations.
Des manifestations sont organisées pour cet après-midi au centre de Beyrouth. Les banques, les écoles, les universités et les établissements publics restent fermés vendredi. De nombreuses routes sont bloquées par des barricades de pneus en feu dans la capitale et dans diverses villes du pays des cèdres. La route de l’aéroport de Beyrouth a été coupée.
Par ailleurs, le Premier ministre a été contraint de suspendre une réunion de son cabinet au cours de laquelle il devait discuter du projet de budget 2020 et fera une intervention devant la nation prévue à 18 heures (une heure de moins en Espagne). Le chef du parti des forces libanaises (chrétiens maronites), le respecté Samir Geagea , a appelé le gouvernement à démissionner. « Le meilleur que le Premier ministre Saad Hariri puisse offrir en ces moments difficiles et critiques est la démission de son gouvernement pour permettre la formation d’un exécutif totalement différent, capable de diriger la relance économique dont le pays a besoin », a-t-il déclaré. tweet Le dirigeant druze, Walid Jumblatt, a également demandé la démission du cabinet Hariri.
Les partis de Jumblatt et de Geagea participent au gouvernement actuel, formé en janvier après neuf mois de négociations difficiles. Le dirigeant sunnite Saad Hariri a ensuite formé une coalition de forces incluant le Hezbollah. Le Premier ministre a promis qu’il entreprendrait les réformes économiques nécessaires pour redresser l’économie libanaise, en chute libre.
Le Liban vit les ravages de la guerre en Syrie. C’est le pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés en termes relatifs: 25% de sa population. Entraîné dans la crise financière après plus de huit années de conflit syrien, le Liban est l’un des pays les plus endettés au monde: 86 milliards de dollars, soit 150% de son PIB. Le gouvernement s’est engagé en avril 2018 à introduire des réformes en échange d’un don de près de 11 milliards de dollars. Mais loin de là, il n’a pas encore été en mesure d’approuver les budgets de l’État. Le taux de chômage des jeunes Libanais de moins de 35 ans est de 37%. Le niveau de vie est l’un des plus élevés au monde, mais les services publics sont pratiquement inexistants. Trois décennies après la guerre civile (1975-1991), le pays souffre une crise chronique d’électricité et d’eau potable, incapable d’alimenter les citoyens. Un autre service en effondrement est la collecte des ordures et la gestion des déchets. Le blocus politique est constant, aggravé par les différences sectaires et les positions entre prosyriens et antisirios, qui génèrent des affrontements constants.