Le 28 juillet 2025, un tribunal colombien a rendu un verdict historique en condamnant l’ancien président Álvaro Uribe pour subornation de témoin et corruption. À 73 ans, Uribe devient ainsi le premier ex-chef d’État colombien reconnu coupable dans le cadre d’un procès judiciaire.
La juge Sandra Heredia, qui a présidé l’audience à Bogotá, a conclu que les preuves accusaient Uribe d’avoir conspiré avec un avocat pour inciter trois anciens paramilitaires incarcérés à modifier leur témoignage lors d’une enquête menée par le sénateur de gauche Iván Cepeda. Ce dernier investiguait les liens présumés d’Uribe avec des groupes paramilitaires d’extrême droite actifs dans les années 1990.
Cette affaire, débutée en 2012 lorsque Uribe avait accusé Cepeda de diffamation, a connu un retournement majeur en 2018 : la Cour suprême colombienne a rejeté les accusations contre Cepeda et a ouvert une enquête approfondie contre l’ancien président. Uribe risque désormais jusqu’à 12 ans de prison, même si la sentence définitive sera annoncée ultérieurement, et il devrait interjeter appel.
Durant ses deux mandats (2002-2010), Uribe a bénéficié du soutien des États-Unis, notamment dans sa lutte contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Sa politique sécuritaire agressive a conduit au recul de ce groupe et au début de négociations de paix ayant abouti au désarmement de plus de 13 000 combattants en 2016. Toutefois, cette période reste marquée par de graves violations des droits humains, notamment les « faux positifs » : des exécutions extrajudiciaires de civils présentés faussement comme des guérilleros morts au combat.
La Commission de vérité colombienne estime que plus de 6 400 civils ont été assassinés dans ce cadre, un phénomène ayant culminé sous le gouvernement d’Uribe, qui a toujours nié ces accusations.
À l’international, la condamnation d’Uribe a provoqué une vive polémique. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio, figure influente du parti républicain, a vivement critiqué la décision, la qualifiant d’instrumentalisation politique de la justice colombienne par des juges radicaux. Sur le réseau social X, il a défendu Uribe en affirmant que « son seul crime a été de se battre sans relâche pour défendre sa patrie ».
En réaction, le président colombien Gustavo Petro, issu de la gauche, a salué le verdict comme une victoire pour un système judiciaire indépendant et un pas nécessaire vers la justice et la paix durable dans le pays.
L’affaire Uribe met en lumière les tensions profondes qui traversent la société colombienne, entre quête de vérité sur le passé violent et enjeux politiques actuels. Le procès constitue un précédent inédit, soulignant la difficile réconciliation d’une nation longtemps marquée par les conflits armés et la polarisation politique.