Le 30 avril 2025, les États-Unis et l’Ukraine ont signé à Washington un accord historique ouvrant la voie à une exploitation conjointe des ressources naturelles ukrainiennes, en particulier les minerais critiques, le pétrole et le gaz. Cet accord prévoit la création d’un fonds bilatéral d’investissement pour la reconstruction de l’Ukraine, financé et géré à parts égales par les deux pays.
Présenté comme un partenariat économique majeur, ce texte marque un tournant dans les relations entre Washington et Kiev. Mais il soulève aussi des interrogations cruciales : jusqu’où s’étend la souveraineté économique ukrainienne dans ce cadre ? L’accord n’est-il pas une contrepartie exigée par l’administration Trump en échange de l’aide militaire et financière massive des États-Unis depuis le début de l’invasion russe en 2022 ?
Proposé à l’origine par le président ukrainien Volodymyr Zelensky en septembre 2024, ce partenariat visait à attirer des capitaux étrangers pour exploiter les immenses gisements ukrainiens de lithium, de titane et d’hydrocarbures. Toutefois, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en janvier 2025 a modifié la dynamique des négociations. Le président américain a déclaré sans détour que cet accès aux ressources était une forme de retour sur investissement : « Nous avons dit : les terres rares. Ils en ont de très bonnes. »
Les premières versions de l’accord étaient largement favorables aux États-Unis, provoquant des tensions, notamment une vive altercation entre Zelensky et Trump lors d’une rencontre à la Maison Blanche en février. L’incident avait retardé la signature du texte. Ce n’est qu’après d’intenses discussions qu’une version amendée, jugée plus équitable par Kiev, a finalement été signée.
Selon la ministre ukrainienne de l’Économie, Ioulia Svyrydenko, qui s’est déplacée à Washington pour signer l’accord, l’Ukraine conserve l’entière propriété et le contrôle de ses ressources. L’État ukrainien déterminera les zones d’extraction et veillera à la transparence des projets. « Ce fonds attirera des investissements mondiaux dans notre pays », a-t-elle déclaré.
Mais le projet suscite des critiques internes. Certains responsables ukrainiens craignent une perte de souveraineté économique, voire une privatisation déguisée du sous-sol national. Des ONG internationales mettent en garde contre les conséquences environnementales de l’exploitation minière à grande échelle dans un pays toujours en guerre, notamment dans des régions sensibles comme Jytomyr ou Zaporijjia.
Côté américain, cet accord s’inscrit dans une stratégie plus large : réduire la dépendance vis-à-vis des minerais chinois, sécuriser l’accès aux ressources indispensables à la transition énergétique et asseoir l’influence de Washington en Europe de l’Est. En liant soutien économique et accès aux ressources, l’administration Trump opte pour une politique étrangère transactionnelle, parfois perçue comme opportuniste par les alliés européens.
Le Trésor américain a justifié l’accord en évoquant « l’importante aide financière et matérielle » fournie par le peuple américain à l’Ukraine depuis 2022. Mais le texte, précisent les autorités ukrainiennes, ne transforme pas cette aide en dette. « Aucune dette, aucune aide passée ne fait partie de cet accord », a insisté le Premier ministre Denys Chmyhal.
L’accord ne comprend toutefois pas de garanties de sécurité explicites contre la Russie, un point pourtant central pour Zelensky. La crainte demeure que des projets d’exploitation soient mis en péril par de nouvelles offensives russes. Le jour même de la signature, des attaques de drones russes à Odessa ont tué deux civils, tandis que des explosions étaient signalées dans plusieurs régions ukrainiennes.
La Russie pourrait percevoir cet accord comme une intrusion occidentale supplémentaire dans sa sphère d’influence, accentuant les tensions géopolitiques. Quant à la Chine, grande consommatrice de minerais ukrainiens, elle pourrait réagir en renforçant ses propres partenariats stratégiques ailleurs dans le monde.