Les autorités turques multiplient les vagues d’interpellations visant les mairies dirigées par l’opposition. Vendredi 15 août, İnan Güney, maire CHP de l’arrondissement central de Beyoğlu, a été placé en garde à vue avec 43 autres employés municipaux, accusés de corruption et de participation à des fraudes à grande échelle.
Pour le président Recep Tayyip Erdogan, ces arrestations s’inscrivent dans une vaste opération de moralisation de la vie publique. Dans un discours récent à Chypre, il a affirmé que les enquêteurs mettaient au jour « la plus grande bande de voleurs de l’histoire de la République ». Le pouvoir insiste sur la nécessité de nettoyer les institutions locales des réseaux clientélistes et corrompus.
Pourtant, le CHP et de nombreux analystes y voient avant tout une manœuvre politique. « Ce n’est pas une opération judiciaire mais une opération électorale », a déclaré Özgür Özel, chef du principal parti d’opposition, accusant le gouvernement de fabriquer des dossiers.
Selon un décompte relayé par le New York Times, au moins 390 personnes liées à l’opposition ont été arrêtées depuis mars 2025 dans des enquêtes pour corruption municipale. Plus d’une centaine d’entre elles sont encore détenues en attente de procès. Ces arrestations touchent non seulement des élus, mais aussi d’anciens maires, des fonctionnaires municipaux et même des entrepreneurs ayant travaillé avec les villes contrôlées par le CHP.
L’arrestation d’Imamoğlu, figure charismatique et rival direct d’Erdogan, a marqué un tournant. Depuis sa victoire aux municipales de 2019 puis la reconduction du CHP à la tête d’Istanbul en mars 2024, il représentait la principale menace électorale pour l’AKP. Certains sondages le donnaient au coude-à-coude avec Erdogan en cas de présidentielle anticipée.
Théoriquement, Erdogan ne peut plus briguer un quatrième mandat lorsque son actuel mandat s’achèvera en 2028. Mais beaucoup d’analystes estiment qu’il pourrait provoquer des élections anticipées afin de se représenter. Dans ce contexte, l’affaiblissement judiciaire du CHP apparaît comme une stratégie pour neutraliser un adversaire jugé dangereux, tout en resserrant le contrôle du pouvoir sur les grandes métropoles du pays.