Dans un contexte mondial de plus en plus instable, marqué par la montée des tensions commerciales et des turbulences géopolitiques, Vincent Barret, macro-économiste et spécialiste en énergie, adresse une mise en garde claire à l’Algérie. Selon lui, le pays, fortement tributaire des recettes pétrolières, fait face à des risques structurels majeurs si aucune action stratégique n’est entreprise rapidement.
Barret dénonce notamment les effets déstabilisateurs des politiques protectionnistes américaines. La hausse des droits de douane imposée par l’administration Trump – passés de 19 % à 30 % pour l’Algérie – pourrait, selon l’expert, déséquilibrer durablement le marché mondial du pétrole. Ces tensions viennent aggraver une situation déjà fragile, où le prix du baril a récemment plongé à 64 dollars, avant un léger redressement à 66,50 dollars, reflet d’un marché dominé par l’incertitude et la volatilité.
La récente réunion de l’OPEP+, à laquelle a participé Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Énergie, s’est tenue dans un climat tendu. L’organisation a décidé de tripler sa production à partir de mai, au moment même où la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine affaiblit la demande mondiale. Pour Barret, « le ralentissement de l’économie chinoise conjugué aux surtaxes américaines crée un cocktail explosif pour les pays exportateurs comme l’Algérie ».
En réaction, la Chine a riposté par ses propres taxes, accentuant la baisse des prix du brut. En une semaine seulement, les cours ont chuté de près de 10 %, leur plus forte baisse depuis septembre dernier. Un signal inquiétant pour les pays producteurs, déjà affaiblis par la baisse structurelle de la demande mondiale.
Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, un excédent de 600 000 barils par jour est attendu pour la seconde moitié de l’année, sans même compter la hausse attendue de la production par les pays de l’OPEP+. Barret reste dubitatif : « L’OPEP+ dispose d’une marge de manœuvre réduite. L’offre continue d’augmenter, tandis que la demande mondiale, elle, s’essouffle. Le marché pourrait s’enfoncer dans une crise prolongée. »
Pour l’Algérie, les enjeux sont colossaux. Près de 93 % de ses recettes en devises proviennent du secteur des hydrocarbures. Une chute prolongée des prix du pétrole pourrait entraîner un creusement du déficit budgétaire, ralentir les investissements, et accentuer les tensions sociales dans un contexte économique déjà tendu.
Vincent Barret appelle les autorités algériennes à faire preuve d’anticipation. Il prône une politique de diversification économique sérieuse, l’élargissement de la base fiscale, et une réforme structurelle du modèle de croissance. « L’Algérie ne peut plus se contenter de suivre les décisions de l’OPEP. Elle doit redevenir actrice de son destin énergétique et économique », conclut-il avec gravité.