La fermeture simultanée des espaces aériens entre le Mali et l’Algérie, intervenue ce lundi 8 avril, marque une nouvelle escalade dans une crise diplomatique latente depuis plusieurs années. Ce dernier épisode, déclenché par la destruction d’un drone malien présumé par les forces algériennes, dépasse le simple incident militaire. Il s’inscrit dans un climat régional de plus en plus polarisé, au cœur d’une recomposition géopolitique sahélienne aux relents de rupture avec les partenaires traditionnels.
L’interdiction réciproque de survol de l’espace aérien ne constitue pas un fait anodin. Il s’agit d’un acte de rupture diplomatique, rarement atteint entre deux États africains dans un contexte non militaire. Elle traduit la défiance croissante entre Alger et Bamako, autrefois partenaires dans les tentatives de stabilisation du nord malien.
Le langage employé par les autorités maliennes — accusant l’Algérie de « soutien au terrorisme international » — va bien au-delà d’un simple incident. Il démontre une volonté assumée de renverser les alliances historiques, et de replacer la crise du Sahel dans un prisme plus dur, où la diplomatie cède la place à la confrontation.
Depuis la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) par le Mali, le Niger et le Burkina Faso, les lignes diplomatiques bougent. L’Algérie, longtemps perçue comme médiatrice incontournable dans le dossier malien — notamment à travers l’Accord d’Alger de 2015 — se trouve aujourd’hui marginalisée, voire ouvertement rejetée par les nouveaux régimes militaires sahéliens, qui la soupçonnent de double jeu.
Le rappel des ambassadeurs algériens au Mali et au Niger, ainsi que le gel de la nomination d’un représentant au Burkina Faso, illustre ce désengagement progressif d’Alger dans une région qu’elle considère pourtant comme vitale pour sa sécurité nationale. L’accusation de « violations répétées de l’espace aérien » masque à peine une perte d’influence géostratégique.
Au-delà de l’incident du drone, c’est l’influence régionale qui est en jeu. L’Algérie se trouve en concurrence directe avec l’AES, qui cherche à redéfinir l’équilibre des pouvoirs au Sahel en s’émancipant des anciennes puissances coloniales… mais aussi des poids lourds africains comme Alger.
La fermeture des espaces aériens pourrait être le premier pas vers une escalade plus large, diplomatique, économique, voire militaire, dans une zone déjà fragilisée par les insurrections djihadistes et les transitions autoritaires. Elle compromet aussi les efforts logistiques et humanitaires dans les régions frontalières, où la coordination interétatique était déjà ténue.
La diplomatie régionale est à la croisée des chemins. Le dialogue entre le Mali et l’Algérie semble rompu, et les médiateurs traditionnels apparaissent affaiblis. L’Union africaine, prudente, reste silencieuse, tandis que les puissances étrangères suivent avec inquiétude l’évolution de la situation, conscientes que le moindre incident pourrait dégénérer.